Balzac La Comédie Humaine Analyse de texte Etude de l'œuvre 100 analyses de texte de la Comédie Humaine de Balzac Description détaillée des personnages Classement par 7 types de scènes 26 tomes étudiés en détail

Un début dans la vie

LA COMEDIE HUMAINE – Honoré de Balzac IVe volume des œuvres complètes de H. DE BALZAC par Veuve André HOUSSIAUX, éditeur, Hébert et Cie, Successeurs, 7, rue Perronet, 7 – Paris (1877)

Scènes de la vie privée
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           Pierrotin

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      Un voyage en                       coucou

  UN DEBUT DANS LA VIE          

Analyse de l’oeuvre Un début dans la vie fut publié en 1842, en feuilleton d’abord comme Modeste Mignon, mais sa publication en librairie fut plus tardive puisqu’elle n’eut lieu qu’en 1844. Bien que ce soit un roman assez court, Balzac parvint, avec l’aide de son éditeur et en multipliant généreusement les blancs, à en tirer deux volumes in-8°. Dès l’année suivante, il entrait dans l’édition de La Comédie humaine en cours de publication où Balzac le plaça parmi les Scènes de la vie privée. Comme pour Modeste MignonUn début dans la vie est un sujet qui a été fourni à Balzac. Sa soeur, Laure Surville, écrivait des contes pour les enfants et les jeunes gens ; elle avait eu l’idée d’une petite nouvelle intitulée Un voyage en coucou dans laquelle elle montrait les inconvénients des bavardages imprudents que font parfois les jeunes gens dans les voitures publiques pour se donner de l’importance. L’idée plut à Balzac qui s’en empara. Le sujet était vraiment mince. Mais cela n’avait aucune importance, ce récit à l’origine très court, devait paraître dans un périodique, Le Musée des familles, qui était une sorte de Veillées des chaumières, dirigé par un de ses amis. En réalité, ce qui intéressait Balzac, c’était l’ambiance, la petite comédie que se donnent entre eux les voyageurs réunis par hasard dans une diligence et cherchant à s’éblouir mutuellement. Ce sujet n’avait du reste, aucune originalité. Les rencontres en diligence ou à l’hôtellerie avaient fourni beaucoup de copie aux auteurs de ces romans humoristiques qu’on appelait les romans  » gais « . Il y avait même sur ce thème une pantomime très connue d’Henri Monnier, le Voyage en diligence. Il fallait que Balzac eût vraiment besoin d’argent pour entreprendre ce petit conte qui ne lui prit, paraît-il, que deux jours de travail. Mais il se trouva qu’on demanda peu après à Balzac un feuilleton pour le Législateur, quotidien légitimiste qui, malgré son caractère sérieux, recourait aux feuilletons comme ses confrères, pour entretenir le zèle de ses abonnés. C’était beaucoup mieux payé qu’une nouvelle au Musée des familles. Mais c’était aussi plus difficile. La nouvelle présentée au Musée des familles ne comprenait que la première partie d’Un début dans la vie et s’arrêtait au retour du jeune Oscar Husson au logis maternel où il apprenait l’étendue des dégâts qu’il avait faits. Balzac comprit qu’il fallait plus de matière et d’autres sujets de réflexion. Il ajouta alors ce qui est maintenant la seconde partie de la nouvelle, la vie d’Oscar Husson, désormais sans appui et sans fortune, ses années d’apprentissage chez l’avoué Derville, puis sa rechute par un autre hasard malheureux, enfin la fin de cette vie de jeune malchanceux à peu près reclassé après tant de tribulations et une moralité, non pas édifiante, mais au contraire assez amère par la comparaison de son destin avec celui de ses compagnons du funeste voyage. Balzac s’est beaucoup amusé en reproduisant la scène des recommandations maternelles avant le redoutable voyage vers l’Isle-Adam et en imaginant le dialogue des jeunes élégants de la diligence. La matière la plus facile et la plus féconde de sa nouvelle était puisée dans ses souvenirs. La vieille diligence de Pierrotin était une guimbarde banlieusarde qu’il avait prise bien souvent lui-même pour aller de Paris à l’Isle-Adam chez M. de Villers-La-Faye, un vieil ami qui l’aimait bien et qu’il voyait avec plaisir . Dans la deuxième partie, la vie de clerc d’avoué d’Oscar Husson, son dur apprentissage, ses horaires minutés, ses cours de droit, son impécuniosité, ses tentations même, c’est la vie de Balzac entre 1818 et 1820, au temps où il était clerc lui aussi dans le même quartier : il n’a rien à inventer, ce sont ses souvenirs. Et le séjour à l’armée d’Afrique par lequel le malheureux garçon devra si chèrement racheter ses étourderies se rattache également à la jeunesse de Balzac : cette épreuve avait été infligée à un cousin de Surville, le mari de Laure Balzac, à la suite d’une mésaventure, toutefois un peu plus grave. Ces souvenirs avaient facilité la tâche du romancier. Il n’avait qu’à laisser courir sa plume. Mais son récit, comme d’habitude, a un double fond, il est alimenté par d’autres secteurs de sa mémoire. La mère d’Oscar Husson, qui vit si mesquinement dans son triste entresol, sort des anecdotes de la duchesse d’Abrantès ou de la comtesse Merlin, ancienne  » belle  » auprès de laquelle elle avait introduit Balzac, ou des souvenir de la comtesse Regnault de Saint-Jean-d’Angély dont le mari avait connu tous les secrets de l’Empire. Elle a été, comme ces intarissables conteuses, admirée au temps du Directoire, coquette, elle a mené grand train : et son histoire mélancolique est probablement, parmi beaucoup d’autres, l’une des déchéances qu’on avait racontées à Balzac. Elle n’est pas le seul personnage que lui ait fourni l’histoire. Comme dans Modeste Mignon, on entrevoit dans Un début dans la vie des bouts de destinées ballottées par les événements de la Révolution et de l’Empire qui, dans cette petite leçon de morale pour jeunes gens, font apercevoir au lecteur des lointains inattendus. Le puissant châtelain de Presles a été jadis un proscrit, il était noble : il a été sauvé par Moreau, aujourd’hui son régisseur. Mais Moreau avait conspiré, il a été traqué, sauvé à son tour par celui qu’il avait secouru. Ces vies privées, on les aperçoit un instant, elles émergent, encore entourées de lambeaux d’histoire : et c’est ce passé qui explique les situations présentes et qui enracine dans l’histoire ce conte pour collégiens. C’est une particularité typique de Balzac : les moindres récits sont transformés chez lui parce qu’ils deviennent toujours, par quelque apparentement, par un bout de décor qui apparaît soudain, sinon un fragment d’histoire, au moins un morceau de vie privée relié au passé et qui a toujours quelque chose de dramatique ou de touchant en raison de ce passé qui l’alimente. Mais c’est finalement autre chose aussi qui donne à Balzac cette facilité et cette rapidité de rédaction. Un début dans la vie est écrit en 1842 : depuis huit ans, à cette date, Balzac a pris l’habitude de faire réapparaître ses personnages, de les faire circuler d’un roman à l’autre. C’est en cette même année qu’il signe avec Furne et ses associés le traité qui est l’acte de naissance de La Comédie humaine : cette consécration lui impose plus que jamais cette idée que chacun de ses romans n’est qu’un moment, une vue, à une certaine date de cette société tout entière qu’il porte dans sa tête. Alors, pour chacun de ses romans, pour chacune de ses nouvelles, il dispose maintenant d’une masse de personnages dans laquelle il n’a qu’à puiser : chacun d’entre eux est déjà caractérisé, fortement individualisé dans son esprit, et, en général, il est déjà connu des lecteurs de ses oeuvres précédentes. Cela lui fournit des personnages qui sont parfois de simples figurants, mais qui souvent aussi sont des acteurs, qui interviennent dans l’action et dont l’intervention est d’autant plus significative que leur caractère et leur position sont connus. Bien des nouvelles de Balzac sont ainsi comme des carrefours dans lesquels se croisent les personnages de La Comédie humaine. C’est la récompense des lecteurs de Balzac. Ce foisonnement leur fait lire avec plus de plaisir des nouvelles dont l’intrigue et même le personnage principal sont parfois un peu sommaires. C’est le reproche qu’on peut faire à Un début dans la vie. Balzac se donne un peu trop de facilité par l’accumulation des malchances. Oscar Husson est un personnage dans lequel se rencontrent des traits contradictoires qui suscitent les uns l’estime et les autres la pitié. Sa vanité, son désir de paraître lui font faire des fautes grossières qu’on trouve exagérément punies : et, en même temps, son courage, son obstination, son application admirables, quand il répare par une vie de labeur et d’énergie cette perfidie du sort qui s’acharne sur lui, sont des qualités qui s’accordent mal avec cette légèreté. Balzac ne s’est-il pas laissé aller un peu étourdiment aux délices du souvenir quand il a prêté à ce faible quelque chose de la vigueur romaine avec laquelle ses vingt ans supportèrent la même misère ? La moralité de ce conte, telle que la conclusion l’impose, est bien différente du conseil anodin de ne pas trop parler en diligence ou en chemin de fer que le titre primitif, le Danger des mystifications, annonçait. A la fin, comme Balzac le fait souvent, tous les passagers du premier voyage se retrouvent vingt ans plus tard dans la voiture de Pierrotin. La comparaison de leurs destins est instructive. Un vieil oncle raisonneur avait dit à Oscar Husson :  » Jeune homme, de la discrétion, de la probité, du travail et l’on arrive. » Le résultat ne confirme pas cette maxime. Pierrotin s’est acheté de belles diligences neuves grâce au pourboire fastueux que lui a valu une adroite indiscrétion. Le peintre et son rapin Mistigris sont parvenus au succès par le talent que le travail et la discrétion ne donnent pas toujours. Le régisseur Moreau a perdu sa sinécure, mais il a spéculé sur les terrains et l’immobilier et il a aidé le riche père Léger à faire fructifier le produit de ses prêts usuraires. Ce financier énergique est devenu un grand personnage, tandis que le dur apprentissage de la vie qu’a fait Oscar Husson dans les bataillons du maréchal Bugeaud lui a coûté un bras et ne lui a rapporté qu’un ruban rouge et la place de percepteur à Beaumont-sur-Oise, emploi réservé. C’est un français moyen qui n’a pas su prendre rang parmi les profiteurs. La médiocrité d’Oscar Husson a-t-elle donné à Balzac l’idée de cette secrète satire ? Le dernier mot de la nouvelle pourrait le faire croire. Alain, dans son étude sur Balzac, voit dans cette fin un Balzac comptable qui se borne à enregistrer un bilan de l’histoire. Cela peint, dit-il,  » un engourdissement de société qui éteint toutes les fautes peut-être par souci du lendemain « . Balzac est cynique : il enregistre.

L’histoire Certains comportements inconséquents décident des destinées heureuses ou malheureuses des uns et des autres. Il y est également décrit le danger des mystifications. Oscar, jeune étudiant compromet son avenir, sa famille et son protecteur (chez qui il se rend, M. Moreau – le régisseur de M. de Sérisy) par des confessions qui raillent, aux voyageurs, le comte de Sérisy (bienfaiteur de M. Moreau et de la famille d’Oscar). Le comte de Sérisy qui fait partie du voyage sous l’anonymat est profondément blessé par les déclarations du jeune Oscar et découvre également au travers des bavardages de ses autres compagnons de voyage que son régisseur le vole. Le comte congédie M. Moreau, ce qui a pour effet de suspendre les prodigalités fournies à la famille d’Oscar. Oscar, privé des appuis et bienveillances de Monsieur Moreau fera des débuts bien difficiles (dans la pauvreté, l’austérité et la discipline) en faisant un apprentissage de clerc chez un avoué. Aguerri par ses mésaventures et par son dur labeur ainsi que par les duretés de la carrière militaire où il perdit un bras mais reçu le grade de colonel, Oscar apprit la discrétion, la probité, la discipline et le respect de la hiérarchie sociale. Devenu sage et capable, il termina son existence fort heureux en épousant la fille de Pierrotin, devenu propriétaire des Messageries de la vallée de l’Oise.

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           Mistigri

Généalogie des personnages Husson : (Oscar) Jeune étudiant sous la protection de Monsieur Moreau, régisseur. Pierrotin : Voiturier. A une fille Georgette qui épouse Oscar Husson. Moreau de l’Oise : Moreau est aussi le père naturel d’Oscar Husson. Il est le régisseur du comte de Sérizy ; puis député. Sérisy : Né en 1765, sénateur, fait comte sous l’Empire. Ministre d’Etat sous la Restauration. Epouse Clara-Léontine de Ronquerolles, née vers 1785, veuve du général Gaubert d’où un fils Jules, militaire mort en 1835. Mistigri : Léon de Lora, né en 1806, peintre.  

1) Source analyse : Préface et histoire recueillies d’après le texte intégral des œuvres de la Comédie Humaine (tome II) publié par France Loisirs 1985 sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac.

2) Source: Félicien Marceau « Balzac et son monde » Gallimard.

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