Balzac La Comédie Humaine Analyse de texte Etude de l'œuvre 100 analyses de texte de la Comédie Humaine de Balzac Description détaillée des personnages Classement par 7 types de scènes 26 tomes étudiés en détail

Le Colonel Chabert

LA COMEDIE HUMAINE – Honoré de Balzac On retrouve ce roman dans le Xe volume des œuvres complètes de H. DE BALZAC par Veuve André HOUSSIAUX, éditeur, Hébert et Cie, Successeurs, 7, rue Perronet, 7 – Paris (1877), classé dans cette édition de l’époque sous les scènes de la vie parisienne. En baptisant Scènes de la vie parisienne un certain nombre des nouvelles qui avaient paru précédemment sous la rubrique Scènes de la vie privée, montre ici, un des modèles de transfert utilisés par Balzac dans ses méthodes de travail.

Scènes de la vie privée 

Picture 1

Le colonel Chabert

  LE COLONEL CHABERT – Scènes de la vie privée  

DEDIE A MADAME LA COMTESSE IDA DE BOCARME, NEE DU CHASTELER.  

Analyse de l’oeuvre Le Colonel Chabert qui parut en 1832, L’Interdiction qui parut au début de l’année 1835, sont deux œuvres jumelles qui contiennent le même enseignement que Le Père Goriot. Le décor, les proportions, le sujet, tout semble différent. Et pourtant, on dit la même chose, au fond, en montrant tout ce que les fastes et l’éclat de la vie mondaine écrasent et piétinent : les vedettes, dont l’éclat éblouit, sont toutes plus ou moins la réplique des filles du père Goriot. Cette nouvelle fut publiée dans la revue élégante L’Artiste au début de 1832 sous le titre La Transaction. Ce titre n’est pas indifférent. Il se rapporte à une idée ancienne de Balzac qu’on trouve déjà exprimée dans les romans qu’il écrivit dans sa jeunesse sous des pseudonymes divers et qui est une des idées les plus neuves de son système dramatique. Les drames de la vie moderne, pensait-il, ne sont plus ces tragédies passionnelles qu’on rencontre dans les romans et qui se dénouent par le poison, le meurtre ou le suicide, ce sont des luttes sourdes, patientes, à l’intérieur des familles, qui se manifestent par des batailles judiciaires dont le gain ou la perte décide le destin d’un couple ou d’une famille : un contrat de mariage, un procès en interdiction, une tutelle peuvent enrichir ou dépouiller ; un patrimoine, un rang, une existence entière dépendent souvent de leur issue. C’est la première découverte. Le titre, La Transaction l’annonce. Mais il y en a une seconde, entrevue en même temps. On peut ruser, tricher dans ces batailles judiciaires. Des fortunes peuvent être détournées, des vies peuvent être brisées et mortellement atteintes par quelques-unes de ces manœuvres habiles. Il se produit donc assez souvent dans la vie sociale des « crimes cachés », commis sans violence, accomplis sous l’autorité de la loi. Le Colonel Chabert est l’histoire de l’un d’eux. Toute l’action est commandée par une seule manœuvre, atroce. La comtesse Ferraud a reconnu son mari, bien qu’elle le nie. L’avoué le sait, connaît les risques qu’elle court, propose une transaction secrète : Chabert renoncera à son procès, ne revendiquera pas son nom, mais il faut lui donner les moyens de se refaire une nouvelle existence sous un autre nom : ce sera très cher. La comtesse ne veut ni du procès, ni de la transaction. Elle veut que Chabert se désiste sans contrepartie. Elle compte sur son charme : elle est jeune encore, elle est séduisante, elle est adroite. Elle enlève Chabert, l’emmène dans sa maison de campagne. Elle lui joue pendant quelques jours la comédie de la tendresse, de la confiance, de l’abandon. Elle s’arrange pour lui donner l’illusion, sans rien dire, qu’elle l’aime encore, elle fera ce qu’il décidera, elle abandonnera, s’il l’exige, son mari, ses enfants, elle s’en remet à sa générosité. C’était le mot qu’il fallait prononcer. Chabert est ému, il ne veut pas briser ce bonheur qu’on remet entre ses mains. Par grandeur d’âme, il est prêt à se désister. Un hasard décide de tout. Le colonel entend, sans le vouloir, une conversation cynique entre la comtesse et son homme d’affaires. En apprenant qu’il hésite, la comtesse décide : « Il faudra donc finir par le mettre à Charenton. » Ce mot atroce, la révélation de cette perfidie sont trop forts pour Chabert. Un dégoût complet, dégoût de la vie, dégoût des hommes, lui enlève le désir de lutter, même le désir de se venger. Il crie son mépris à sa femme. Et il retourne à son anonymat et à sa misère. Il redevient un mendiant parce qu’il n’a plus envie de vivre. Picture 2 L’avoué se charge de tirer la conclusion de cette anecdote. Son expérience professionnelle l’a instruit. Racontant l’histoire de Chabert devenu pensionnaire de l’hospice de Bicêtre, il voit en sa destinée « l’un de ces crimes contre lesquels la justice est impuissante ». Mais il ne s’indigne pas. Il en a trop vu. Son métier lui a enlevé toutes ses illusions sur les hommes, il les connaît. Au fond, remarque Alain dans son étude sur Balzac, cette indifférence rejoint le cynisme de Vautrin dans le discours qu’il adresse à Rastignac sous la charmille de la pension Vauquer au commencement du Père Goriot. Alain aurait pu faire un autre rapprochement. C’est presque mot pour mot les paroles que Balzac prêtait dix ans plus tôt à un prêtre, l’abbé de Mondivers, dans son roman Argow le Pirate qu’il avait fait paraître sous le nom d’Horace de Saint-Aubin. Le texte de la nouvelle de Balzac était, dans l’édition originale, sensiblement différent de celui que nous lisons aujourd’hui. Le titre même, La Transaction, puis celui qui lui fut substitué ensuite, La Comtesse à deux maris, orientait la sensibilité du lecteur d’une autre manière. Dans la transaction qu’il proposait à sa femme, le colonel exigeait que ses droits conjugaux lui fussent reconnus deux fois par mois. Cette prétention extravagante donnait une toute autre signification à la résistance de l’épouse. Balzac s’en rendit compte assez rapidement. Trois ans plus tard, il exécutait en deux lignes cette première version : « J’ai trouvé cela détestable, écrivait-il à Mme Hanska, manquant de goût, et j’ai eu le courage de recommencer sous presse. » Il mit vingt jours pour refaire sa nouvelle à laquelle il donna un sens tout différent. On ne sait quelle est l’origine de l’aventure que raconte Balzac. Entre 1829 et 1831, il avait fréquenté un groupe d’anciens officiers de l’Empire qui se réunissait à l’Ecole militaire de Saint-Cyr chez ses amis Carraud. Balzac a utilisé leurs récits dans plusieurs des contes qu’il écrivit à cette époque. Le vicomte de Lovenjoul, célèbre collectionneur qui avait acquis la plupart des manuscrits et des papiers de Balzac, pensait qu’on pouvait attribuer la même origine à l’histoire du colonel Chabert. C’est la même morale que l’on retrouve dans Le Colonel Chabert parut en 1832. On y retrouve là encore les vanités et les intérêts engendrés par les fastes et l’éclat de la vie mondaine qui écrasent et piétinent toutes les valeurs humaines.

L’Histoire Tout comme Le Père Goriot le Colonel Chabert est une histoire sinistre. Chabert a conduit à la tête de son régiment la fameuse charge d’Eylau qui a décidé de la victoire. Grièvement blessé, il est laissé parmi les morts. Le communiqué officiel le proclame mort et en fait un héros national. Sa veuve, Rosalie, comblée de faveurs par l’Empereur, se remarie avec le comte Ferraud (27 ans), promu à un grand avenir. Sous la Restauration, elle garde son rang. C’est une femme riche et admirée. Chabert, mourant, parvient à sortir de la fosse commune dans laquelle il avait été jeté. Le crâne fracassé, recueilli par charité, mendiant, enfermé pour fou mettra six ans pour revenir en France. Lorsqu’il y parvient, cet homme, aussi célèbre et glorieux que Guynemer, n’est qu’une épave méconnaissable. Sa femme épouvantée, refuse de le reconnaître. Lui, veut retrouver son nom, son grade, sa fortune et sa femme. Avec l’aide d’un avoué honnête, Maître Derville, il compte faire un procès pour faire annuler son acte de décès. La situation de sa femme est dramatique. Un procès, c’est le scandale, la perte de son rang mondain. Un accommodement, c’est ruineux. Par une manœuvre habile en spéculant sur leur tendresse, Rosalie parviendra à le prendre au piège et à « tuer moralement et émotionnellement » cet homme à l’âme tendre et plein de bonté en le maintenant sans nom et vagabond. Le colonel Chabert terminera sa vie à l’hospice. Picture 3 Petite anecdote : Avant son mariage, le colonel Chabert avait fait, en 1799, un testament qui léguait le quart de ses biens aux hospices. Censé mort, ce quart a été légué aux hospices. Œuvre écrite à : Paris, février-mars 1832

Les personnages Chabert : (Hyacinthe dit) colonel et comte. Epouse Rose Chapotel qui se croyant veuve, épouse Ferraud dont elle a deux enfants. Ferraud : (comte) émigré puis conseillé d’Etat. Epouse Rose Chapotel, veuve Chabert, d’où deux enfants dont l’un s’appelle Jules. Derville : avoué, né en 1794. Epouse Fanny Malvaut, d’où une fille Mathilde, qui épouse Augustin Bongrand. Delbec : Homme d’affaires puis magistrat. Au moment de l’histoire du colonel Chabert, il est l’avoué de la famille Ferraud. C’est un homme habile qui connaît admirablement les ressources de la chicane (acheté et protégé par le couple Ferraud).  

1) Source analyse/histoire : Préface du tome VI recueillie d’après le texte intégral des œuvres de la Comédie Humaine publié par France Loisirs 1985 sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac.

2) Certains des propos contenus dans la géologie des personnages ont été relevés dans l’ouvrage de Félicien Marceau intitulé « Balzac et son monde » (Gallimard).

No Comments
Post a Comment