La Fausse Maîtresse
LA COMEDIE HUMAINE – Honoré de Balzac Ier volume des œuvres complètes de H. DE BALZAC par Veuve André HOUSSIAUX, éditeur, Hébert et Cie, Successeurs, 7, rue Perronet, 7 – Paris (1877)
Scènes de la vie privée
LA FAUSSE MAITRESSE – « étude de femme »
Analyse de l’oeuvre La Fausse Maîtresse est un spécimen un peu plus authentique d’« étude de femme », bien qu’il soit surtout une « étude d’homme » dont l’origine est bien différente des esquisses que pouvait concevoir Balzac en 1832. Cette nouvelle parut en feuilleton dans le quotidien Le Siècle en décembre 1841, quelques semaines avant que Balzac n’apprit la mort du comte Hanski. Il n’y a donc pas lieu de la considérer comme une parabole par laquelle Balzac aurait cherché à rentrer en grâce auprès de Mme Hanska après sa décision de ne pas prolonger leur liaison. Les polonais qui sont mis en scène dans ce récit n’ont pas d’autre signification que celle d’un salut courtois à Mme Hanska qui pouvait reconnaître en Thaddée Paz un portrait d’un de ses cousins qu’elle aimait bien, Thaddée Wyleczynski. En fait, la situation qui est le sujet de la nouvelle avait intéressé Balzac bien avant qu’il connût Mme Hanska. Ce n’est pas autre chose qu’un sujet. Le capitaine Thaddée Paz, amoureux de la femme de son ami et sentant qu’elle va l’aimer, se dégrade volontairement à ses yeux en faisant croire à une liaison avilissante. Or, cette situation de cour d’amour dont le personnage central est le capitaine Paz, bien entendu, et non la comtesse Laginski, Balzac l’avait notée dans son album de sujets à traiter dès 1831 et en avait aussitôt tiré un des premiers Contes drolatiques, qu’il écrivit à cette époque, Le Frère d’armes. Dans cette première version, il avait placé la scène en un temps qui lui convenait mieux, la cour des Valois au temps du roi Henri II. Et le subterfuge, plus grossier, consistait à faire croire à un mal que les compagnons du roi précédent prétendaient avoir rapporté d’Italie. C’est donc fort peu une « étude de femme », et pas davantage une de ces « leçons » destinées aux femmes comme l’étaient les premières Scènes de la vie privée. Ce n’est pas, non plus, un panneau indispensable ou simplement caractéristique de la description sociale. C’est pourtant une nouvelle très balzacienne par un aspect particulier du sacrifice qui nous est décrit. Thaddée Paz en renonçant à un bonheur de possession n’a pas renoncé à tout bonheur. Témoin d’un autre bonheur qui ne lui appartient pas, il éprouve une joie secrète à voir la vie brillante, heureuse, de ce jeune couple pour lequel il s’est sacrifié. Il a placé sur la tête de son ami et de la femme qu’il aime sa propre part de bonheur : il vit, non pas pour un autre ou pour deux autre, mais par un autre ou par deux autres. Son bonheur, il en jouit par délégation, comme une sorte de paternité, ou plutôt comme une réfraction en lui du bonheur qu’il a créé. « Il vit par moi », dit son ami. C’est le mot du père Goriot quand il parle de ses filles, de Vautrin, dans Splendeurs et misères des courtisanes, quand il parle de Lucien de Rubempré. Par là, parce qu’elle est un exemple parfait, un exemple parfaitement pur de cette délégation du bonheur, bien plus pure que celle de Vautrin, plus désincarnée, que celle de Goriot, La Fausse Maîtresse n’est pas une histoire un peu mince, un peu trop romanesque, mais un document sur le cœur humain.
Histoire Nouvelle parue dans le quotidien Le Siècle en décembre 1841. Le capitaine Thaddée Paz, amoureux de la femme de son ami Adam et sentant qu’elle va l’aimer, s’avilit volontairement à ses yeux en faisant croire à une liaison déshonorante. Thaddée Paz en se sacrifiant et renonçant à un bonheur de possession n’a pas renoncé à toute joie. Témoin d’un bonheur qui ne lui appartient pas, il éprouve une joie secrète à voir la vie brillante, heureuse de ce jeune couple pour lequel il s’est sacrifié. Il a placé sur la tête de son ami et de la femme qu’il aime sa propre part de bonheur. Il se fait l’intendant, le comptable, le serviteur de cette famille. Il vit au travers de ces deux êtres qui lui sont chers. Malgré son dévouement au couple et à son ami mourant, Thaddée s’étant tellement discrédité auprès de la Comtesse Clémentine Laginska ne pourra retrouver son estime. Il quittera l’hôtel Laginska mais continuera, à l’insu de Clémentine, à veiller sur elle et la sauvera d’un piège visant à la séduire par le comte de la Palférine. Clémentine espère revoir Thaddée… son cœur s’ouvre. La fausse maîtresse est une analyse sur le cœur humain. Paris, janvier 1842
Généalogie des personnages PAZ : Comte Thaddée Paz, polonais exilé en France. LAGINSKI : Comte Adam Laginski, né vers 1806, polonais exilé en France. Epouse en 1835 Clémentine du Rouvre née en 1816. Il est fait allusion à la comtesse Laginska, mère du comte Adam, morte en 1832. RUSTICOLI : Comte Rusticoli de la Palférine, famille noble italienne établie en France, représentée par : un comte qui sous Louis XV, entretint Mlle Laguerre (actrice et propriétaire des Aigues) ; un général mort en 1809 et qui a épousé une Capponi ; Gabriel-Jean-Anne-Victor-Benjamin-Georges-Ferdinand-Charles-Edouard Rusticoli, comte de La Palférine, né en 1812.
1) Source analyse/histoire : Préface recueillie d’après le texte intégral des œuvres de la Comédie Humaine (tome III) publié par France Loisirs 1985 sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac.
2) Source généalogie des personnages : Félicien Marceau « Balzac et son monde » Gallimard.
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