Balzac La Comédie Humaine Analyse de texte Etude de l'œuvre 100 analyses de texte de la Comédie Humaine de Balzac Description détaillée des personnages Classement par 7 types de scènes 26 tomes étudiés en détail

Honorine

LA COMEDIE HUMAINE – Honoré de Balzac IVe volume des œuvres complètes de H. DE BALZAC par Veuve André HOUSSIAUX, éditeur, Hébert et Cie, Successeurs, 7, rue Perronet, 7 – Paris (1877)

Scènes de la vie privée
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Honorine et Octave

HONORINE    

Nouvelle écrite en trois jours par Honoré de Balzac à la fin du mois de décembre 1842,        

Analyse de l’oeuvre Honorine est une des nouvelles les moins connues de Balzac : et aussi l’une des plus embarrassantes. Car elle admet deux interprétations très différentes entre lesquelles il est difficile de décider. En outre, Balzac a écrit pour cette nouvelle deux dénouements très différents, l’un qui appartient au premier état de son manuscrit, le second qui lui fut substitué sur épreuves, au moment du « bon à tirer ». Elle fut écrite en trois jours, dit Balzac à Mme Hanska à la fin du mois de décembre 1842. Le manuscrit fut ensuite augmenté et remanié et la rédaction définitive ne fut prête qu’en février 1843. Est-ce la marque d’une sorte d’hésitation sur le sens qu’il faut donner à la nouvelle ? C’est un cas de « casuistique amoureuse « , dit un des meilleurs éditeurs de Balzac, M. Pierre Citron. Et il évoque à ce propos La Princesse de Clèves. Le dispositif de la nouvelle semble confirmer cette définition. On ne met en scène que trois personnages ; il n’y a pas ce qu’on appelle une action, mais des scrupules, des débats, tout est dans le secret des âmes. Mais, en même temps, M. Pierre Citron donne des événements une explication physiologique qui est aussi celle qu’avait présentée M. Félicien Marceau. Est-ce que la casuistique amoureuse est un euphémisme pour désigner une situation banale dont l’inexpérience du mari est le plus souvent la principale cause ? C’est un récit raconté par un des acteurs dans un beau palais génois : mise en scène fréquente chez Balzac, qui permet de poser une certaine ambiance, de choisir un certain ton d’intimité et de bonne compagnie, de faire ressortir la conclusion. C’est ici qu’interviennent les deux dénouements. Dans le premier d’entre eux, tout se termine très bien  : elle aime ce bon mari qui lui a donné cette rare preuve de fidélité et ils ont beaucoup d’enfants. Dans le second, le dénouement définitif : elle revient auprès de ce mari qu’elle admire, auquel elle voue une affection profonde et elle meurt de chagrin de cette capitulation. Assurément, ce n’est pas un vaudeville. Mais il semble assez clair que Balzac a mêlé dans cette histoire deux idées qu’il a sur les femmes, toutes les deux justes, toutes les deux profondes, mais dont le voisinage crée une certaine ambiguïté. La première est une des idées maîtresses de Balzac. Elle est exprimée dès le début de sa carrière dans sa Physiologie du mariage; on la retrouve dans plusieurs de ses romans; elle est illustrée surtout dans les Mémoires de deux jeunes mariées : un homme ne doit pas demander à sa femme ce qu’il demande à ses maîtresses, le but du mariage, c’est la famille et les enfants, c’est la condition de la dignité et du bonheur de la femme dans le ménage. Balzac répète ce dogme de la façon la plus claire dans Honorine :  » Le mariage exclut la passion, la famille ne saurait avoir les orages de l’amour pour base. » Mais Balzac, dans ses  » études de femmes  » a exprimé presque aussi souvent une autre idée qu’il regarde comme essentielle. Lorsqu’une femme a cédé à l’amour, lorsqu’elle a commis une faute, son honneur de femme lui interdit tout retour; elle se ravale elle-même si cette faute qu’elle a commise contre les lois et en bravant l’opinion n’est pas inspirée par un sentiment sublime et unique. Si elle accepte un autre amour, elle se condamne à ses propres yeux; un autre amour, d’autres amours, font d’elle une femme qu’on  se passe de main en main; un retour à son mari est une sorte de prostitution conjugale. Le choix du second dénouement exprime assez clairement que c’est cette conception exigeante de la pudeur et de l’honneur féminins qui a prévalu. Honorine, piégée par la promesse que lui fait son mari de vivre auprès d’elle comme un frère auprès de sa soeur, consent à revenir. Mais l’admiration qu’elle a pour le caractère de son mari, pour sa fidélité, pour son dévouement finit par la faire céder. Et elle en meurt parce qu’elle a taché cette robe d’hermine qu’elle s’était faite par sa réclusion. Et sa dernière parole, dans la lettre qu’elle écrit avant sa mort, révèle un drame qu’elle a caché à tous :  » L’intimité sans l’amour est une situation où mon âme se déshonore à toute heure. » On ne peut guère expliquer par une simple mésentente des sens, ce mot qui est comme la lumière secrète qui éclaire toute la nouvelle et qui lui donne sa beauté. Bien sûr, cette mésentente existait. Balzac ne le cache pas. Mais elle n’est que la cause du drame. Le drame lui-même, c’est le retour d’Honorine. L’amour d’Octave de Bauvan a triomphé. Mais il se rend compte trop tard du prix qu’il a payé cette victoire. Il a tué sa femme, il le sait. Et, il meurt quelques mois plus tard de le savoir.

L’histoire L’histoire est celle du comte de Bauvan, grand seigneur, ministre d’état marié jeune à une amie d’enfance qu’il adore. Abandonné par son épouse pour un autre homme, désespéré, toujours amoureux, il la recherche. La police lui indique son adresse. Il apprend alors qu’abandonnée par l’homme avec qui elle a pris la fuite, pauvre, elle confectionne des fleurs artificielles pour survivre. Le grand homme d’état use de mille ruses pour adoucir ses misères : il fait acheter par des complices le produit de son labeur, suppose un propriétaire qui la loge gratuitement dans une demeure délicieuse ; elle trouve grâce à lui des toilettes ravissantes, des meubles élégants en croyant que ce sont des soldes. C’est pour Honorine une retraite enchantée où le miracle de l’abondance se renouvelle chaque jour. Ces prodigalités lui seront assurées durant sept années. Personne ne soupçonne le secret du comte qui vient chaque soir admirer, du fond d’une rue sombre, Honorine, qui ne veut revenir à son mari malgré ses supplications. Pour le monde, la comtesse est censée s’être embarquée sur un vaisseau qui a fait naufrage. Elle passe pour morte. Balzac, dans ses « études de femmes » exprime la théorie suivante : Les mœurs de l’époque bannissent une femme qui a cédé à l’amour d’un autre homme que son mari. Lorsqu’une femme à cédé à l’amour, son honneur de femme lui interdit tout retour. Le plus souvent, elle s’exile elle-même en prenant retraite en province. La femme qui accepte un autre amour, d’autres amours acquiert la réputation de la femme que l’on se passe de mains en mains. Un retour à son mari est considéré alors comme une prostitution conjugale. Le dénouement dramatique du roman explique que, selon Balzac, c’est la pudeur et l’honneur féminin qui ont prévalus. En effet, Honorine piégée par la promesse que lui fait son mari de vivre auprès d’elle comme un frère auprès de sa sœur, l’admiration qu’elle a pour la personnalité, l’amour, la fidélité et le dévouement de son époux à son égard fera que cette dernière consentira à revenir vivre auprès de lui. La honte, le vide de sa vie, le manque d’amour envers cet époux modèle, le souvenir des êtres aimés (son amant, le fils décédé qu’elle a eu de lui), tueront finalement cette femme. Elle mettra tout en œuvre pour être à la hauteur de l’amour d’Octave afin que ce dernier se croie adoré d’elle. Honorine lui donnera même un garçon peu avant sa mort. Paris, janvier 1843

Source analyse : Préface et histoire recueillies d’après le texte intégral des œuvres de la Comédie Humaine publié par France Loisirs 1985 sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac.

Les personnages Bauvan : Famille noble représentée par le comte de Bauvan et sa femme. Veuve, cette dernière est à identifier peut-être avec « la jument de Charette » qui apparaît dans Les Chouans sous le nom de Mme du Gua-Saint-Cyr. Le comte Octave de Bauvan : Fils du comte et de la comtesse de Bauvan. Ministre d’état, célèbre orateur ministériel, époux d’Honorine. Honorine : (1794-1831) Pupille du père d’Octave. Honorine est une jeune fille riche et belle. Elle est âgée de 16 ans au moment ou Octave rejoint le domicile familial après sa fin d’études au collège. Un mariage d’amour est convenu entre les deux enfants. La surprotection d’Octave envers sa jeune épouse et la routine d’un ménage sans surprises ni fantaisies sont la chronique annoncée de la fuite d’Honorine avec l’homme qui fait vibrer son cœur et dont elle aura un enfant qu’elle perdra.

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Abbé Loraux

  Certaines informations sur la généalogie des personnages proviennent de l’excellent ouvrage de Félicien Marceau « Balzac et son monde – Gallimard »

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