La Grenadière
LA COMEDIE HUMAINE – Honoré de Balzac IIe volume des œuvres complètes de H. DE BALZAC par Veuve André HOUSSIAUX, éditeur, Hébert et Cie, Successeurs, 7, rue Perronet, 7 – Paris (1877)
Scènes de la vie privée
LA GRENADIERE
Analyse de l’oeuvre Nouvelle publiée en octobre 1832 dans la Revue des deux mondes appartient à cette série des « études de femmes » qui forment une division presque indépendante dans les Scènes de la vie privée. C’est même, en effet, une simple évocation, l’héroïne est une inconnue entrevue avec ses enfants, un mystère. Elle vit seule, elle est malade, elle sait qu’elle va mourir laissant ses deux enfants, treize ans et dix ans, sans fortune, sans protection, sans avenir. Cette silhouette mélancolique fut beaucoup louée par les contemporains. C’est pourtant une nouvelle un peu mince, sans arrière-plan et qui ne dépassent guère les nouvelles attendrissantes de Berquin où l’on rencontrait aussi des enfants modèles et des mères vertueuses. On raconte que la nouvelle fut écrite à Frapesle, chez les Carraud où Balzac allait souvent se reposer, en une nuit, pendant qu’on jouait au billard. Cette légende est peu sûre : mais la nouvelle fut écrite rapidement. Sa rédaction en garde des traces. La Grenadière était un joli closier situé en face de Tours, sur la rive droite de la Loire. La maison était agréable, la vue très belle. Béranger y avait habité. Balzac et Mme de Berny y avaient passé un mois en 1830. Balzac, pendant toute sa vie, rêva de l’acheter pour s’y retirer. La description qu’il en a faite passe pour admirable. Elle est surtout prolixe, touffue et peu utile au récit. On a l’impression que l’auteur tire à la ligne. La rapidité se manifeste aussi par les explications très succinctes qui sont données au lecteur sur les événements qui ont condamné cette jeune femme à la solitude. Ce flou est poétique peut-être, mais désinvolte. En fait, Balzac ne faisait qu’utiliser une énigme qui avait intrigué les habitants de Tours. La jeune femme qu’il appelle Mme Willemsens avait bien existé, on s’interrogeait sur son passé duquel on ne savait rien. La vérité a été découverte très récemment. On sut qu’elle avait quitté son mari ou vécu après sa mort pendant quinze ans avec un officier dont elle avait eu deux enfants. Son vrai nom, à peine déformé par Balzac, était Villemesans. Le plus jeune de ses fils, le petit garçon faible, doux et blond, qu’elle confie à son frère aîné avec tant de recommandations, fut plus tard le fameux Auguste de Villemessant qui prit la direction du Figaro et dont la douceur et la timidité n’étaient pas les qualités dominantes. Cette identification retire à la nouvelle de Balzac une partie de son nimbe poétique.
Histoire L’histoire se déroule à la Grenadière, habitation située à Saint-Cyr non loin de Tours (Touraine). Il s’agit de l’existence d’une mère, Augusta Willemsens, Comtesse de Brandon élevant ses deux enfants. C’est le déshonneur, semble-t-il, qui l’oblige à cette retraite. Son époux, le comte Lord Brandon, a abandonné ou perdu la vie pour sauver l’honneur et la vie de son épouse (en duel peut-être ??) – il semble que la pauvre mère se meure de chagrin par le poids bien lourd d’un terrible secret. C’est l’opprobre engendrée par le bannissement, la culpabilité, le déshonneur, qui l’obligent à cette retraite. Nous n’en connaîtrons malheureusement pas les détails dans la nouvelle, l’auteur souhaitant sans doute laisser libre cours à l’imagination du lecteur. Néanmoins, en nous basant sur le fait divers indiqué dans la préface, il semblerait que le point de départ de ce drame de l’existence soit relié à une passion extra-conjugale, un amant, officier, qui ne connaîtra pas de dénouement heureux. Cette mère portant le deuil, décède de maladie et sans doute de chagrin à l’âge de 36 ans. Elle laisse deux orphelins, deux enfants sans fortune, sans protection, sans avenir. Ce sont, Louis-Gaston qui embarque à 13 ans en qualité de novice à bord d’un vaisseau de l’Etat ; son frère cadet, Auguste, dix ans et qui deviendra plus tard le fameux Auguste de Vuillemessant, directeur du Figaro, est placé au collège de Tours. Dix mille francs constitueront son éducation. Angoulême, août 1832 C’est dans la localité de Saint-Cyr-sur-Loire, où il avait été mis en nourrice, qu’Honoré de Balzac situe la Grenadière, une propriété qui existait réellement et où lui-même séjourna avec Laure de Berny en 1830. Le père du romancier était d’ailleurs propriétaire d’une ferme toute proche.
1) Source analyse/histoire : Préface (tome IV) recueillies d’après le texte intégral des œuvres de la Comédie Humaine publié par France Loisirs 1985 sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac.
Généalogie des personnages Brandon : Anglais, sur lequel nous n’avons pas d’information. Epouse Marie-Augusta dont le nom de jeune fille est sans doute Willemsens, laquelle meurt en 1820 à 36 ans. Lady Brandon a deux fils adultérins, Louis Gaston et Marie Gaston. Gaston : Nom porté par les deux fils Louis et Marie issus d’une liaison de lady Brandon avec un personnage dont l’identité n’est pas précisée. Il s’agirait d’un officier. (D’après une phrase du Père Goriot, plus tard supprimée par Balzac, le père serait Franchessini).
1) Source analyse/histoire : Préface (tome IV) recueillies d’après le texte intégral des œuvres de la Comédie Humaine publié par France Loisirs 1985 sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac. 2) Source généalogie des personnages: Félicien Marceau « Balzac et son monde – Gallimard ».
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