Béatrix I & II
LA COMEDIE HUMAINE – Honoré de Balzac IIIe et IVe volumes des œuvres complètes de H. DE BALZAC par Veuve André HOUSSIAUX, éditeur, Hébert et Cie, Successeurs, 7, rue Perronet, 7 – Paris (1877)
Scènes de la vie privée
BEATRIX I et II
Analyse et histoire Béatrix est un long roman qui a été écrit et publié en deux fois. La première partie fut écrite en 1836 et parut en feuilleton dans le journal Le siècle en avril et mai 1839, puis en librairie à la fin de l’année sous le titre Béatrix ou les Amours forcées. Cette première partie comprenait deux grandes divisions intitulées la première, Les personnages, la seconde Le Drame, qui formaient à elles seules un roman. Une seconde partie, qui est, en réalité, une suite et un autre roman, fut écrite six ans plus tard sous le titre Un adultère rétrospectif. Béatrix est un des moins connus des grands romans de Balzac. C’est peut-être à cause de sa richesse même, car il mêle des sujets d’intérêt trop différents et inégalement attachants. La première partie, Les Personnages, est une belle histoire, symbolique, grave, exemplaire. Elle se passe en Bretagne, autour de la vieille cité de Guérande, dans le canton le plus breton de la Bretagne, celui des derniers combats des compagnons de Charrette : un siècle de retard sur leur époque, ils sont encore au temps des chouans, au-delà même, ils n’ont pas changé depuis Du Guesclin.
Dans la famille du vieux baron du Guénic, les messieurs, un jeune Calyste de vingt ans, beau, fort, naïf, un vrai fils de la noble Bretagne. A quelques lieues de là vit dans son château une femme célèbre, Camille Maupin (Mademoiselle des Touches), écrivain, admirée, libre, recevant des amis parisiens, un autre siècle sous sa forme la plus intelligente, la plus vivante. Calyste va la voir, Calyste est séduit : l’air de Paris, la liberté, les idées nouvelles le grisent. Calyste est aimé : deux femmes se le disputent secrètement, la brune Camille Maupin, l’artificieuse et blonde Béatrix de Rochefide. Calyste tombe amoureux de la perfide Béatrix. La seconde partie : Le drame, conte l’histoire de deux amours. Camille Maupin a 15 ans de plus que Calyste. L’amour qu’elle porte à Calyste est un amour sans espoir, amour d’amie, de mère, d’admiration et de tendresse ; mais amour qui dévore et ravage à cause de ce fruit si doux, si désirable qu’il est dangereux, insensé, mortel peut-être de savourer. Elle sait que Calyste aime Béatrix. Elle veut qu’il soit heureux. Elle sait combien ce bonheur lui coûtera. Elle se fait l’entremetteuse des deux jeunes gens. La vie de Béatrix est compliquée : Elle a fait une folie, elle a quitté son mari, provoqué un scandale en s’enfuyant avec un musicien célèbre, Gennaro Conti. Elle est contrainte d’être fidèle à cette passion sous peine de perdre la seule excuse de sa conduite, un amour romanesque pour un « homme de génie ». Conti et Béatrix sont unis malgré eux par cette faute : ils sont des « galériens de l’amour ». Camille Maupin n’a pas d’illusions sur Béatrix, elle sait qu’elle est sèche, vaniteuse, tentée par la chair fraîche, mais effrayée à l’idée de compromettre une liaison dont elle est secrètement fatiguée, mais qu’elle ne peut rompre. Or, Calyste ne peut être heureux qu’à ce prix. Le plus beau gage d’amour que Camille Maupin puisse lui donner, c’est de jeter dans ses bras, malgré elle, cette froide calculatrice. Elle n’y peut réussir : l’arrivée soudaine de Conti dérange tout. Cette liaison de Béatrix et de Conti relate l’histoire de Liszt et de Mme d’Agoult : un amour d’illusion qui s’effrite et meurt, la tentation d’un amour jeune et vrai, une amitié dévouée et perspicace , le triomphe de la vanité à la fin, parce qu’il faut que la représentation continue. Les lecteurs avaient compris : tous ceux qui connaissaient la société parisienne, mais beaucoup d’autres aussi qui reconnaissaient facilement George Sand en Camille Maupin. Balzac ne s’en cachait pas : « Oui, Mlle des Touches (Camille Maupin) est bien George Sand, écrivait-il à Mme Hanska, oui, Béatrix est trop bien Mme d’Agoult ». En février 1838, Balzac avait fait un séjour d’une semaine chez George Sand, à Nohant. Ils avaient beaucoup parlé des femmes, de l’amour, du mariage. Et George Sand raconta le dénouement d’une histoire d’amour dont tout Paris connaissait le début, la fuite dramatique le 11 mai 1835 de la comtesse d’Agoult, dont le mari avait été jadis le chevalier d’honneur de la duchesse de Berry, avec le grand pianiste Liszt. Après deux ans de voyages, de lacs italiens, de Suisse, George Sand avait recueilli chez elle à Nohant les deux amants qui commençaient à se fatiguer de la grande parade de leur amour. Et elle avait vu cet amour célèbre se défaire secrètement sous ses yeux, elle avait décrit à Balzac la constance à laquelle ils étaient condamnés l’un et l’autre, Liszt par vanité de séducteur, Mme d’Agoult parce que le seul moyen d’amoindrir sa faute était de la rendre éternelle. Ils ne s’aimaient plus, ils le savaient, mais il leur était interdit de le dire ou même de le laisser deviner. Ils étaient en représentation, condamnés à l’amour à perpétuité, comme le dit fort bien le titre primitif que Balzac avait choisi d’abord pour son roman : Les galériens ou les amours forcées.
Ce qui fait la force et la beauté de ce roman, c’est l’amour de sacrifice de Camille Maupin et le drame qui se noue entre ces deux femmes dont la plus forte (Camille) insulte doublement l’autre en lui imposant sa supériorité morale et en la traitant comme un jouet qu’elle veut offrir au jeune garçon qu’elle aime. Béatrix fuira car son musicien arrive. Calyste a failli tuer Béatrix dans un moment de désespoir et de rage : cette violence a bouleversé Béatrix, elle l’aime. A ce moment du roman Calyste ne sera pas l’amant de Béatrix. Elle est enlevée par Conti un matin à l’aube. Le chagrin de Calyste est tel qu’il reste quelques semaines entre la vie et la mort. Le dénouement est une défaite pour la noble Bretagne. Le vieux du Guénic, bouleversé par la maladie de son fils, meurt de chagrin, en suppliant son fils d’obéir à sa volonté. Calyste jure à son père mourant de se marier pour continuer son nom. Camille Maupin lui trouve à Paris une héritière richissime et aussi noble que lui, Sabine de Grandlieu, la fille d’un duc de Grandlieu qui est l’ami et le confident du roi. Une lettre très belle de Camille Maupin qui lui annonce son entrée en religion, bouleverse Calyste et lui enlève sa dernière hésitation. Il signe, après l’avoir lue, le contrat de mariage qui met fin au grand amour de jeunesse.
Généalogie des personnages De Casteran (pour Béatrix): «Prononcez Catéran ». Famille noble de Normandie, représentée par : Une Casteran-la-Tour qui a épousé un Milaud de la Baudraye ; Blanche de Casteran qui eut une fille naturelle du duc de Verneuil, et qui se fait religieuse ; Le marquis de Casteran qui vit avec sa mère à Alençon et qui a 3 enfants : Le comte de Casteran, à identifier sans doute avec le Casteran, préfet en Bourgogne et qui a épousé une Troisville ; Une fille. Béatrix-Maximilienne-Rose, qui épouse Arthur de Rochefide. Camille Maupin : Pseudonyme littéraire de Félicité des Touches. De Rochefide : « Des anoblis d’hier » à en croire Mme de Beauséant. Famille représentée par : Une demoiselle qui épouse Ajuda Pinto et, qui meurt assez rapidement, Arthur, frère de la précédente, épouse en 1828 Béatrix, Maximilienne-Rose de Castéran, née en 1808, d’où un fils. Des Touches : Famille noble de Bretagne représentée par : un militaire mort en 1792, époux d’une Faucombe morte en 1793, d’où, un fils, chevalier des Touches, tué en 1793, d’où une fille, Félicité, née en 1791, femme de lettres puis religieuse. Du Guénic : Famille noble de Bretagne, représentée par : Zéphirine, née en 1756, restée fille, Gaudebert, Calyste, Charles, baron du Guénic, frère de la précédente (1763-1836). Epouse en 1813, Fanny O’Brien, irlandaise, née en 1792, d’où un fils, Calyste, né en 1814, épouse Sabine de Grandlieu, née en 1816, d’où un fils et la promesse d’un autre. Pen Hoël (de) : Famille noble Bretonne, représentée par : Jacqueline de Pen-Hoël, née en 1780, sa sœur qui épouse le vicomte de Kergarouët, d’où 4 filles dont l’aînée s’appelle Charlotte. Grandlieu : Famille noble représentée par : le duc Ferdinand, qui épouse une Ajuda (portugaise), d’où, une fille religieuse, Clotilde-Frédérique née en 1802, Joséphine qui épouse Ajuda, Sabine qui épouse Calyste Du Guénic, Marie-Athénaïs qui épouse son cousin Juste : La branche cadette de cette famille est représentée par un vicomte de Grandlieu qui meurt en 1823 ; Il a épousé une Born qui a donné naissance à : Juste qui épouse sa cousine Marie-Athénaïs et reprend le titre ducal. Camille, promise à Ernest de Restaud. Il faut encore citer : une comtesse de Grandlieu qui vivait au XVIIe siècle et dont une fille épouse de duc d’Hérouville. une Grandlieu qui épouse le marquis d’Espard, père du marquis Andoche, une Grandlieu qui a épousé un Listomère, une Grandlieu qui a épousé le préfet de l’Orne Conti : Compositeur d’origine italienne, séducteur de Béatrix.
1) Source analyse/histoire : Préface (Tome IV) recueillie d’après le texte intégral des œuvres de la Comédie Humaine publié par France Loisirs 1985 sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac.
2) Source généalogie des personnages : Félicien Marceau « Balzac et son monde – Gallimard »
No Comments