Gobseck
LA COMEDIE HUMAINE – Honoré de Balzac IIe volume des œuvres complètes de H. DE BALZAC par Veuve André HOUSSIAUX, éditeur, Hébert et Cie, Successeurs, 7, rue Perronet, 7 – Paris (1877)
Scènes de la vie privée
GOBSECK
Analyse de l’oeuvre Gobseck parut en 1830 dans la première série des Scènes de la vie privée destinée à montrer aux jeunes filles et aux jeunes femmes les écueils et dangers d’avoir recours au prêteur sur gages : quand des femmes deviennent leurs clientes, c’est qu’un malheur les y contraint. C’est que ce portrait de Gobseck, usurier, sert avant tout à montrer un drame secret de la vie privée. La jeune femme qui vient emprunter sur ses bijoux le fait pour sauver son amant. Mais presque aussitôt après arrive le mari (comte de Restaud), qui sait tout. Il rachète les diamants et explique à Gobseck qu’il veut déshériter ses fils cadets qui ne sont pas de lui pour réserver sa fortune à l’aîné, il lui demande conseil. Gobseck lui recommande de feindre de dilapider sa fortune et lui propose de la conserver pour l’aîné. C’est l’avoué qui raconte cette histoire aux Grandlieu, les mêmes que ceux de Béatrix, pour leur expliquer l’origine de la fortune du jeune comte Ernest de Restaud qu’il leur propose pour Camille, sœur de Sabine de Grandlieu.
Paris, janvier 1830
Histoire La scène débute dans le salon de Madame de Grandlieu, en conversation avec sa fille Camille et un ami de la famille, l’avoué Maître Derville. Ce dernier apprend que Camille est amoureuse du jeune Ernest de Restaud, fils d’Anastasie de Restaud, née Goriot. Madame de Grandlieu désapprouve cet amour : la mère d’Ernest est dépensière, enlisée dans une relation illégitime avec Maxime de Trailles, pour lequel elle gaspille sa fortune. Derville intervient en faveur de Camille : il démontre qu’Ernest s’est vu attribuer depuis peu l’intégralité de l’héritage familial. Ce récit, qui constitue une mise en abîme d’un type humain du monde balzacien, met en lumière les personnages de Jean-Esther van Gobseck, usurier, et de Maître Derville, avocat en début de carrière. Ces deux personnages, qui jouent un rôle essentiel dans ce roman-ci, reparaissent dans l’ensemble de la Comédie humaine, soit sous forme d’évocation : Gobseck, soit en personne : Maître Derville, que l’on retrouve dans Le Colonel Chabert, Splendeurs et misères des courtisanes et dans de nombreux autres volumes de la Comédie humaine, des Gens de robe honnêtes.
L’organisation de cette œuvre est trompeuse : si la trame de l’histoire est bel et bien celle du mariage de Camille, Balzac s’attache avant tout à dépeindre, en véritable « visionnaire passionné » (Beaudelaire , L’Art poétique), la vie d’un type méconnu : celui de l’usurier – car bien sûr, en peignant un tel personnage, Balzac se fait critique de l’avarice, comme on le voit à la fin du roman, avec des myriades de denrées entassées ça et là. Mais ce n’est pas tant l’avarice que Balzac critique ici, et c’est l’ensemble de la société qui est visée. Nous sommes lors de la Restauration française (au moment de l’histoire, vers 1829), et les nobles reprennent leur place, enviée de tous. Malheureusement, la noblesse ne s’acquière pas si facilement. Du moins, le croit-on, car au-dessus de cela règne l’argent, et avec lui le mariage de convenance entre noblesse déchue et riche bourgeoisie; tout s’achète dans ce monde. C’est bien cette soumission à l’argent que Balzac met en avant, en mettant en scène (nous sommes dans la Comédie humaine) la vicomtesse de Grandlieu, qui invoque le prétexte des préjugés nobiliaires (Ernest est fils d’une roturière indigne qui ruine sa famille) pour refuser le mariage de sa fille avec Ernest de Restaud, alors que ce qui prime, c’est évidemment que sa famille soit désargentée!
Le portrait de Gobseck « Cet homme singulier n’avait jamais voulu voir une seule personne des quatre générations femelles où se trouvaient ses parents. Il abhorrait ses héritiers et ne concevait pas que sa fortune pût jamais être possédée par d’autres que lui, même après sa mort. Sa mère l’avait embarqué dès l’âge de dix ans en qualité de mousse pour les possessions hollandaises dans les grandes Indes, où il avait roulé pendant vingt années. Aussi les rides de son front jaunâtre gardaient elles les secrets d’événements horribles, de terreurs soudaines, de hasards inespérés, de traverses romanesques, de joies infinies: la faim supportée, l’amour foulé aux pieds, la fortune compromise, perdue, retrouvée, la vie maintes fois en danger, et sauvée peut-être par ces déterminations dont la rapide urgence excuse la cruauté. Il avait connu M. de Lally , M. de Kergarouêt, M. D’estaing, le bailli de Suffren, M. de Portenduère, lord Cornwallis, lord Hastings, le père de Tippo-Saeb et Tippo-Saeb lui-même. Ce savoyard, qui servit Madhadji-Sindiah, le roi de Delhy, et contribua tant à fonder la puissance des Marhattes, avait fait des affaires avec lui. Il avait eu des relations avec Victor Hughes et plusieurs célèbres corsaires, car il avait longtemps séjourné à Saint-Thomas. Il avait si bien tout tenté pour faire fortune qu’il avait essayé de découvrir l’or de cette tribu de sauvages si célèbres aux environs de Buenos-Ayres. Enfin, il n’était étranger à aucun des événements de la guerre de l’indépendance américaine. Mais quand il parlait des Indes ou de l’Amérique, ce qui ne lui arrivait avec personne, et fort rarement avec moi, il semblait que ce fût une indiscrétion, il paraissait s’en repentir. Si l’humanité, si la sociabilité sont une religion, il pouvait être considéré comme un athée.«
Généalogie des personnages Gobseck : Jean-Esther van Gobseck, juif anversois, usurier (1740-1830) a une petite nièce Sarah, appelée la Belle Hollandaise, assassinée en 1818. Cette Sarah a une fille, Esther, née en 1805, de son petit nom la Torpille, prostituée qui finira pas se suicider par amour pour Lucien de Rubempré. Restaud (de) : Famille noble (on cite un Restaud qui commanda le Warwick avant 1789) représentée par le comte de Restaud (1774-1824). Epouse Anasthasie Goriot (naissance vers 1792), d’où : Ernest, né en 1818. Epouse Camille de Grandlieu ; Georges, fils probable de Maxime de Trailles ; Pauline, fille probable de Maxime de Trailles ; Grandlieu (de) : Famille noble représentée par : le duc Ferdinand, qui épouse une Ajuda (portugaise), d’où, une fille religieuse, Clotilde-Frédérique née en 1802, Joséphine qui épouse Ajuda, Sabine qui épouse Calyste Du Guénic, Marie-Athénaïs qui épouse son cousin Juste : La branche cadette de cette famille est représentée par un vicomte de Grandlieu qui meurt en 1823 ; Il a épousé une Born qui a donné naissance à : Juste qui épouse sa cousine Marie-Athénaïs et reprend le titre ducal. Camille, promise à Ernest de Restaud. Il faut encore citer : une comtesse de Grandlieu qui vivait au XVIIe siècle et dont une fille épouse de duc d’Hérouville. une Grandlieu qui épouse le marquis d’Espard, père du marquis Andoche, une Grandlieu qui a épousé un Listomère, une Grandlieu qui a épousé le préfet de l’Orne Derville : Avoué, né en 1794. Epouse Fanny Malvaut, d’où une fille Mathilde, qui épouse Augustin Bongrand. Trailles (de) : Né vers 1792 – épouse une femme dont nous avons tout lieu de penser qu’il s’agit de Cécile Beauvisage, née en 1820.
1) Source analyse : Préface recueillie d’après le texte intégral des œuvres de la Comédie Humaine (tome V) publié par France Loisirs 1985 sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac.
2) Source histoire : Encyclopédie universelle Wikipédia.
3) Source portrait Gobseck : Encyclopédie universelle Wikipédia. 4) Source généalogie des personnages: Félicien Marceau « Balzac et son monde – Gallimard »
No Comments