Balzac La Comédie Humaine Analyse de texte Etude de l'œuvre 100 analyses de texte de la Comédie Humaine de Balzac Description détaillée des personnages Classement par 7 types de scènes 26 tomes étudiés en détail

Le Contrat de mariage

LA COMEDIE HUMAINE – Honoré de Balzac IIIe volume des œuvres complètes de H. DE BALZAC par Veuve André HOUSSIAUX, éditeur, Hébert et Cie, Successeurs, 7, rue Perronet, 7 – Paris (1877)

Scènes de la vie privée Picture 1  

LE CONTRAT DE MARIAGE     

Analyse Le contrat de mariage publié en 1835 sous le titre de La fleur des pois, est défini par Balzac lui-même d’une manière assez étrange. Au mois d’août 1835, alors qu’il se met au travail, il écrit à Mme Hanska : « Je vais dans La Fleur des pois, me retourner sur moi-même. J’ai peint toutes les infortunes des femmes ; il est temps de montrer aussi les douleurs des maris. » Il n’est pas certain que ce soit là une idée qui provoque l’enthousiasme du public. Il serait plus exact de dire qu’il a voulu montrer comment un jeune mari peut perdre à la fois son bonheur, sa femme et sa fortune sans comprendre les moyens qu’on a employés pour cela. Le contrat de mariage est l’histoire de ce vol, d’un bonheur, d’une femme, d’une fortune. A ce titre, il se rapporte à deux convictions très anciennes dans l’esprit de Balzac et qui, toutes les deux, ont eu un rôle important dans la conception de ses romans. La première est l’idée d’un certain nombre de grandes fortunes qui ne sont explicables ni par la transmission d’un patrimoine, ni par de hautes fonctions, ni par l’industrie, ont pour origine des « crimes cachés » dans l’histoire des familles ou des particuliers. Ces « crimes cachés » sont les tragédies modernes. Ils s’accomplissent sans violence par la tromperie, la ruse, quelquefois simplement par l’habileté : ce sont des détournements adroits de patrimoine qui se font à l’abri des lois. Citant dans une de ses œuvres de jeunesse, le Code des gens honnêtes, quelques exemples de ces vols adroitement commis, Balzac écrit : « Un marchand qui gagne cent pour cent vole ; un munitionnaire qui, pour nourrir trente mille hommes a dix centimes par jour, compte les absents vole ; un autre brûle un testament ; celui-là embrouille les comptes d’une tutelle…Un contrat de mariage ou une transaction, éclatent comme une bombe et mettent le feu à votre fortune. » Cette dramaturgie de l’argent est mise en scène dans un certain nombres de romans et de nouvelles de Balzac. Balzac n’hésite pas à prendre pour titre le nom de ces batailles judiciaires à la suite desquelles une fortune a été gagnée ou perdue. Le Contrat de mariage raconte un de ces détournements de patrimoine. Mais en même temps, on trouvera dans Le Contrat de mariage l’application d’une idée voisine non moins neuve et non moins féconde qui est également à l’origine d’autres œuvres de Balzac. C’est une idée qu’on risque de confondre avec la première parce qu’elle permet d’arriver au même résultat, bien qu’elle soit très différente par les moyens employés : celle des « crimes moraux ». Ecoutons encore Balzac la décrivant dans un essai inachevé et peu connu, Les Martyrs ignorés : « En jetant un coup d’œil sur la société tout entière, j’aperçus…un immense défaut dans les lois humaines, une lacune effroyable, celle des crimes purement moraux contre lesquels il n’existe aucune répression, qui ne laissent point de traces, insaisissables comme la pensée. J’aperçus d’innombrables victimes sans vengeance, je découvris les horribles supplices infligés dans l’intérieur des familles, dans le plus profond secret, aux âmes douces par les âmes dures, supplices auxquels succombent tant d’innocentes créatures…(infligés par ceux) qui, après avoir éprouvé dans certaines âmes les endroits que la noblesse, la religion, la grandeur rendent vulnérables, y enfoncent à tous moments leurs flèches…Mes yeux se dessillèrent, j’aperçus un éternel sujet d’observation sociale dans ces luttes secrètes. » Autre dramaturgie qui ouvre un champ aussi vaste que la première et qui peut être combinée avec les mécanismes précédents. Le Contrat de mariage n’est pas une application directe de ce genre de torture : mais il montre comment une femme habile et vindicative peut détruire un ménage par l’emploi d’une « déstabilisation » qui s’apparente à ce procédé. En jetant un coup d’œil sur la société toute entière, Balzac veut nous démontrer qu’il existe un immense défaut dans les lois humaines, une lacune effroyable, celle des crimes purement moraux contre lesquels il n’existe aucune répression, qui ne laissent point de traces, preuves, insaisissables comme la pensée. Le Contrat de mariage n’est pas une application directe de ce genre de torture : mais il montre comment une femme habile (Madame Evangelista) et vindicative peut détruire un ménage (celui de sa fille et de son gendre) par l’emploi d’une déstabilisation qui s’apparente aux procédés employés dans les crimes moraux. Madame Evangelista trompera son futur gendre en dissimulant le délabrement de l’immense fortune laissée jadis par son mari. Deux phrases du Contrat de mariage expliquent la conduite de Mme Evangelista. L’une est une phrase du vieux notaire Mathias qui définit très bien comment on commet ces « crimes moraux » dont Balzac avait pénétré le secret. : « En découvrant dans l’âme de cette femme des intentions qui, sans tenir à la scélératesse, au crime, au vol, à la supercherie, à l’escroquerie, à aucun sentiment mauvais ni à rien de blâmable, comportaient néanmoins toutes les criminalités en germe, maître Mathias n’éprouva ni douleur, ni généreuse indignation…Il était habitué par son métier aux adroits calculs des gens du monde, à ces habiles traîtrises plus funestes qu’un assassinat. » C’est Catherine de Médicis qui a servi de modèle. Mme Evangelista, en apparence affectueuse et dévouée, adorant le jeune ménage, dicte toute la conduite de sa fille, s’arrange pour qu’elle ruine son mari, suit pas à pas les progrès de cette ruine, rachète en sous-main par un homme de paille les biens que Paul de Manerville est obligé de vendre un à un. « Comparé à Mme Evangélista, explique Henry de Marsay, le papa Gobseck est une flanelle, un velours, une potion calmante. » A la fin, Mme Evangelista s’est rendue secrètement maîtresse de toutes les propriétés de son gendre et le contraint à renoncer au majorat qu’il s’était réservé le droit de constituer. Sous son apparence de créole paresseuse et bonne, elle a satisfait cette haine « hispano-italienne » qu’elle avait conçue avec rage lors de sa première défaite. Physiquement, sa langueur de princesse des îles vient de la comtesse Merlin, une des belles du Directoire que Balzac avait connue par la duchesse d’Abrantès. Et elle doit aussi quelque chose, selon M. Henri Gauthier, à la mère de cette duchesse, Mme Permon, de famille corse qui avait connu les mêmes splendeurs et les mêmes revers que Mme Evangelista. Picture 2 Natalie de Manerville a été dès le début la complice de sa mère. « Quel charmant spectacle, s’écrie Félicien Marceau, que cette Nathalie Evangelista dans sa robe de cachemire blanc à nœuds roses, jolie comme un cœur, vive, preste, bondissante comme un coursier dans son steppe… » Mais il ajoute : « Elle a une cervelle d’oiseau, mais d’oiseau méchant, mesquin, qui donne de vilains coups de bec. » Henry de Marsay, plus concis, disait : « Ce petit crocodile habillé en femme. » Elle n’est vue qu’en profil perdu. On ne la connaît que par ce qu’on nous dit et ce qu’on devine d’elle. Mais on nous en dit assez pour que nous puissions retrouver en elle un spécimen frais , translucide, irisé de ces « femmes sans cœur » dont la comtesse Ferraud du Colonel Chabert et la marquise d’Espard de L’Interdiction étaient des études plus poussées. Un mot du roman nous dit la vérité sur cette gazelle si gracieuse. Parlant de sa vie de jeune vedette adulée et toujours triomphante, de Marsay ne s’y trompe pas : « Si les femmes délicates périssent à ce métier, celles qui résistent doivent avoir des organisations de fer, conséquemment peu de cœur, et des estomacs excellents. » Cette remarque est une des clefs de la psychologie féminine de Balzac. L’impitoyable expert qui, au début de la nouvelle, guide les premiers pas de Paul de Manerville dans la vie élégante et qui, au dénouement, lui montre ses fautes de conduite, est un des personnages les plus étranges de La Comédie humaine. Il est cité avec admiration dans presque toutes les œuvres des Scènes de la vie parisienne et dans quelques-unes des Scènes de la vie privée. Et pourtant, il ne joue un rôle important que dans cette extraordinaire Histoire des Treize, qui raconte les entreprises d’une association secrète de jeunes audacieux qui se sont donné pour tâche de satisfaire toutes leurs fantaisies et en même temps d’assurer leur puissance en se prêtant toujours mutuellement une assistance aveugle. On ne le voit à l’œuvre que dans ces aventures romanesques qu’Alexandre Dumas n’aurait pas désavouées. Il est jeune alors, sa beauté, sa fortune immense, son égoïsme, son sang-froid en font un roué redoutable par sa cruauté et son audace. Ce ne serait qu’un passager parmi d’autres, si Balzac n’avait pas réussi, grâce à son système de la réapparition des personnages, à en faire un personnage que son lecteur ne découvre qu’en rapprochant les indications éparses qui lui sont données dans un roman ou dans un autre. Grâce à cette réunion sur un seul nom de tous ces clichés pris de lui à différentes époques de sa vie, Henry de Marsay prend autant de consistance pour le lecteur de Balzac que Rastignac ou Vautrin ou Rubempré. Henry de Marsay est le modèle, le maître reconnu par tous ces « corsaires aux gants jaunes », de ces chasseurs de millions qui écument la société parisienne, grâce à une habileté, une connaissance des femmes, une science des hommes, un jugement sur les événements toujours cyniques et toujours infaillibles. Sa carrière n’est pas seulement mondaine, elle est aussi, elle est surtout une carrière politique. Il est, il le dit lui-même dans sa lettre à Paul de Manerville, un disciple du prince de Talleyrand. Pour servir son ambition, il a épousé, après avoir eu les succès féminins les plus brillants, une vieille fille anglaise héritière unique d’un brasseur milliardaire de Manchester. C’est sa manière de comprendre le mariage. Il comprend la politique de la même manière. Il est généreux avec ses amis, étincelant dans la conversation, prompt dans l’action, profond dans le calcul. Ses principes sont les mêmes que ceux que Vautrin expliquait à Rastignac sous les tilleuls de la pension Vauquer. Mais il est le fils d’un grand seigneur, il est inattaquable. Ce qui conduit Vautrin au bagne, conduit de Marsay aux plus grands succès. Rastignac deviendra ministre : mais dans un ministère dans lequel de Marsay est le président du conseil. Voilà ce qu’on apprend en lisant La Comédie humaine comme un roman et non comme une série de romans. Picture 3

Source analyse : Préface recueillie d’après le texte intégral des œuvres de la Comédie Humaine (tome VII) publié par France Loisirs 1985 sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac.

L’histoire  Tout avait pourtant bien commencé. Paul de Manerville, le plus séduisant, le plus élégant, le plus riche des héritiers du Bordelais qu’on avait surnommé « la fleur des pois », paraissait destiné tout naturellement à la plus jolie, la plus brillante des « débutantes », Natalie Evangelista, qu’on appelait « la reine des bals ». Les jeunes gens s’éprennent l’un de l’autre et s’épousent, vont à Paris. Cinq ans après, on apprend qu’ils sont séparés, que le mari ruiné, doit s’expatrier pour aller chercher fortune au-delà des mers. C’est le résultat d’un duel entre Paul de Manerville et sa belle mère. En effet, une clause du contrat de mariage est à l’origine de ce duel. Paul de Mannerville est fils unique, Natalie Evangelista est fille unique. Leur contrat de mariage doit comporter la description des deux fortunes. Le notaire de Paul, tabellion vénérable et prudent, s’aperçoit que la fortune de sa future n’est pas claire. Pour faire constater la fortune du mari et en éviter la dilapidation, il propose la constitution d’un majorat. Le majorat consiste en un bien immobilier inaliénable, constitué en commun par les deux époux, érigé en terre noble et réservé au fils aîné à chaque génération. Il constitue un sanctuaire du patrimoine auquel ni l’un ni l’autre des deux époux ne peut toucher. La mère de Natalie, Mme Evangelista, voit donc sa fille frustrée de la grosse fortune qu’elle croyait lui assurer par son mariage. Elle a un jeune notaire qui la met en garde. Sur son conseil, elle fait insérer une clause prévoyant que s’il n’y a pas de fils, la terre patrimoniale ainsi constituée tombera dans la communauté.

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Mme Evangelista et sa                fille

C’est de cette clause que va surgir le drame. Il suffit qu’il n’y ait pas d’enfant pour que Natalie possède un jour cette part inaliénable de la fortune de Paul après lui avoir fait dépenser ce qui n’était pas protégé. Ni l’un, ni l’autre ne le savent, mais Mme Evangelista, la belle-mère le sait. L’instrument du crime caché « le piège » est en place. C’est le crime moral qui va achever la spoliation. Dans les scènes admirables entre les deux notaires que Balzac a su rendre comique par l’emploi de leur jargon et pathétique par la gravité des enjeux, Mme Evangelista avait espéré tromper son futur gendre en dissimulant le délabrement de l’immense fortune que lui avait jadis laissée son mari. La constitution du majorat anéantissait cette manœuvre : elle plaçait au contraire sa fille dans la dépendance de son mari puisque tout ce qui revenait à celle-ci de la fortune paternelle était bloqué dans l’intouchable majorat. Malgré la clause ajoutée à la dernière minute, Mme Evangelista, créole orgueilleuse et vindicative, avait été profondément blessée que sa ruse ait été découverte et déjouée et elle avait conçu contre son futur gendre une haine qui explique le dénouement. Après cette scène, cinq ans se passent. On ne connaît les événements que par la conclusion. Deux échanges de lettres nous les apprennent. Les deux premières lettres sont les adieux de Paul à sa femme au moment où il va s’embarquer pour les Indes et la réponse de Natalie : amour profond, sincère, naïf et comédie de l’amour. On voit que Paul n’a rien compris. Il croit avoir eu une belle-mère adorable et une femme amoureuse. Les deux autres lettres sont celles que Paul adressent à son ami Henry de Marsay pour lui annoncer sa ruine et son départ et la réponse d’Henry de Marsay qui explique tout. Œuvre écrite à : Paris septembre-octobre 1835

Les personnages Madame Evangelista : Née Casa-Réal en 1781, épouse du sieur Evangelista, négociant espagnol à Bordeaux, mort en 1813. Veuve mondaine que le train de vie et le luxe effréné ont ruinée. Personne calculatrice, vénale et cupide, tous les moyens seront bons à cette femme pour redorer un blason terni par une vie dissipatrice. En effet, la fille est l’instrument utilisé par la mère pour assurer la poursuite de leur vie de plaisirs et de dissipation. Mademoiselle Natalie Evangelista : Fille de Madame Evangélista, née en 1802. Elle est  l’épouse de Paul de Manerville. Mlle Evangelista, sans dot, mais dont les apparences trompeuses : la beauté, l’esprit, la grâce représentent à elles seules l’avenir financier de cette famille sera l’instrument de cette mère ruinée. Paul de Manerville : Famille noble de Normandie dont un représentant épouse une riche héritière de Bordeaux et s’établit dans cette ville – D’où un fils, Paul-François-Joseph, né en 1794.  Epouse en 1822 Natalie Evangélista. Riche héritier du Bordelais et fils unique surnommé « la fleur des pois » Paul de Manerville est la victime du plan machiavélique élaboré par la mère et la fille Evangelista. Mathias : Notaire à Bordeaux, à une femme morte en 1826, un fils magistrat et une fille mariée. Notaire de famille de Paul de Manerville. Vieil homme de 69 ans et avoué probe fort d’une expérience de vingt années de carrière. Il mettra son client au fait des problèmes financiers de sa belle-famille et lui conseillera de constituer un majorat. Solonet : Notaire à Bordeaux, il épouse une mulâtresse. Avoué de la famille Evangelista, ce jeune notaire épouse les savoir-faire de son époque. En bon bourgeois désireux de faire fortune rapidement, il est sans scrupules et risque les capitaux confiés en placements et spéculations douteux. Avec la duplicité de son notaire, Mme Evangelista parviendra à introduire la clause qui ruinera son gendre. Henry de Marsay : Fils de Lord Dudley, né en 1792 ou en 1801, reconnu par son beau-père de Marsay qui épouse sa mère déjà enceinte des oeuvres de Lord Dudley. Veuve, elle épousera le marquis de Vordac. Henry de Marsay épouse vers 1827 Dinah Stevens, née en 1791 et fille d’un brasseur anglais. Ami et confident de Paul de Manerville. Il est l’impitoyable critique du mariage qui, au début de la nouvelle, guide les premiers pas de Paul dans la vie élégante – qui le met en garde des risques du mariage. Au dénouement, il lui montrera ses fautes de conduite. Il est cité avec admiration par Balzac dans presque toutes les œuvres des Scènes de la vie parisienne et dans quelques unes des Scènes de la vie privée.

Source généalogie des personnages : Félicien Marceau « Balzac et son monde ».  

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