Balzac La Comédie Humaine Analyse de texte Etude de l'œuvre 100 analyses de texte de la Comédie Humaine de Balzac Description détaillée des personnages Classement par 7 types de scènes 26 tomes étudiés en détail

La Recherche de l’Absolu

LA COMEDIE HUMAINE – Honoré de Balzac XIVe volume des œuvres complètes de H. DE BALZAC par Veuve André HOUSSIAUX, éditeur, Hébert et Cie, Successeurs, 7, rue Perronet, 7 – Paris (1874)

Etudes philosophiques

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Balthazar Claës et sa fille                         Marguerite

  LA RECHERCHE DE L’ABSOLU  

Œuvre dédiée A MADAME JOSEPHINE DELANNOY NEE DOUMERC Madame, fasse Dieu que cette œuvre ait une vie plus longue que la mienne ; la reconnaissance que je vous ai vouée et qui, je l’espère, égalera votre affection presque maternelle pour moi, subsisterait alors au-delà du terme fixé à nos sentiments. Ce sublime privilège d’étendre ainsi par la vie de nos œuvres l’existence du cœur suffirait, s’il y avait jamais une certitude à cet égard, pour consoler de toutes les peines qu’il coûte à ceux dont l’ambition et de le conquérir. Je répéterai donc : Dieu le veuille ! De Balzac.

La Recherche de l’Absolu est un roman paru d’abord en 1834 dans le tome 3 des Etudes de Moeurs, Scènes de la vie privée, puis fréquemment remanié par l’auteur, il fut publié dans une version raccourcie de 40 pages, avec une dédicace à Joséphine Delannoy en 1839. Enfin, dans sa troisième version (1845), il est classé dans les Etudes philosophiques de La Comédie Humaine.

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        Balthazar

Analyse de l’oeuvre C’est un des romans qui établirent la réputation de Balzac. Il parut en octobre 1834, après Eugénie Grandet qui est de l’année précédente et avant Le Père Goriot qui paraît quelques mois plus tard. Cette date est importante parce que cette période est un moment décisif dans la conception et l’organisation de l’œuvre de Balzac. C’est ce qui donne à La Recherche de l’absolu une importance historique indépendante de sa valeur propre. A cette date Balzac, qui a toujours eu le souci de l’unité de son œuvre, a présenté toute sa production en deux ensembles distincts. Un premier « lotissement » ayant pour point de départ les Scènes de la vie de province et des Scènes de la vie parisienne, forme un bloc auquel Balzac vient de donner le titre général d’Etudes de mœurs au XIXème siècle. C’est une série descriptive. Parallèlement, d’autres nouvelles, correspondant à une préoccupation différente, ont été groupées sous le titre de Romans et contes philosophiques. Cette seconde série dont le point de départ est La Peau de chagrin paraît ne pas avoir de rapport avec la première : Elle a même un éditeur différent. A cette date, Balzac ne songe pas encore à La Comédie humaine et il n’a pas inventé non plus le retour des personnages. La Recherche de l’absolu est la première œuvre qui jette un pont entre ces deux séries : Elle est à la foi une œuvre descriptive qui peut prendre place aussi bien parmi les Scènes de la vie privée que parmi les Scènes de la vie de province et une œuvre « philosophique » qui illustre la thèse des « ravages de la pensée » qui est la thèse des Romans et contes philosophiques. Balzac découvre à cette occasion que ses œuvres descriptives peuvent être nourries par ces thèses philosophiques. C’est une découverte capitale non seulement parce qu’elle donne une unité aux œuvres dispersées produites jusqu’alors, mais parce qu’elle donne une unité profonde à toute l’œuvre de Balzac en la faisant reposer sur une certaine définition de l’homme et sur une certaine explication des passions. A ce point de vue, La Recherche de l’absolu est une véritable démonstration. Balzac prend pour exemple la famille historique des Claës, célèbre en Flandre, une fortune historique, l’une et l’autre symbolisées par une demeure d’autrefois où sont accumulés les trésors de cinq ou six générations. Moralement, c’est aussi solide : un père respecté, un amour conjugal exemplaire, une vie patriarcale. Tout cela paraît indestructible. Tout cela sera détruit pourtant : non par le malheur, non par la violence, non par les passions ou l’insubordination, mais simplement par une idée qui grandit dans la cervelle du père, qui devient une idée fixe, une idée dévorante, qui va défaire ce faisceau de forces si solidement lié, qui va le ronger, se répandre comme un incendie et détruire finalement ce qui paraissait hors de toute atteinte. Ce schéma de la destruction développé dans La Recherche de l’absolu avec sa rigueur didactique ne sera reproduit dans toute sa pureté que dans La Cousine Bette et La Rabouilleuse. Mais instillé sous des formes différentes et à des doses plus ou moins diluées, attribué tantôt à une passion, tantôt à une illusion, le plus souvent à la pression de la vanité, des ambitions, des cupidités que la civilisation surexcite, ces sentiments dévorants, implacables, qui s’emparent d’un être aboutiront dans la plupart des œuvres de Balzac à la même destruction des zones de bonheur qui semblaient solides et bien protégées. Picture 3 Cette démonstration de la puissance de l’idée est un des romans les plus impressionnants de Balzac, mais il faut l’avouer aussi l’un des moins vraisemblables. C’est un incident apparemment sans importance qui est à l’origine de cet écroulement: une conversation avec un officier polonais de passage chez les Claës. Cet officier a fait des études de chimie qu’il a dû abandonner, et il explique à Balthazar Claës, lui aussi passionné de chimie, les conclusions auxquelles il était parvenu. Chacun d’eux est convaincu que tous les corps qu’on rencontre dans la nature sont les dérivés d’une substance unique, elle seule indissociable, l’Absolu, qui produit tous les autres corps par des combinaisons diverses, sous l’effet d’une puissance analogue à l’électricité ; en réalité, Balzac ne prononce pas le mot, bien entendu, sous l’effet de radiations. On comprend pourquoi Balzac peut alors si facilement imaginer les raisonnements de Balthazar Claës et les perspectives de cette découverte. L’Absolu reproduit dans l’inorganique le système de l’unité de composition qui était la thèse de Geoffroy Saint-Hilaire pour expliquer la création animale à partir d’une seule essence vivante diversifiée en milliers d’espèces, thèse que Balzac avait non seulement adoptée avec enthousiasme, mais dont il avait fait lui-même la base de son système de zoologie sociale. Et, en même temps, dans cet élément matériel inconnu qui permettait une transmutation de la matière organique, Balzac reconnaissait sa propre conception de la matérialité de la pensée dans laquelle il voyait une sorte de fluide : ainsi la cause mystérieuse de certains phénomènes inexplicables de l’énergie humaine pouvait être également la cause de la complexité des substances inorganiques. La Recherche de l’absolu est donc un roman de science-fiction aussi bien pour Balzac que pour Balthazar Claës : et l’on comprend comment Balzac peut imaginer l’enthousiasme que cette conception unitaire peut provoquer : elle est le secret de toute la création. Raymond Abellio, dans une préface qu’il a écrite pour une collection de livres de poche, a bien vu cet aspect particulier de La Recherche de l’absolu. Il lui aurait apparu avec plus d’évidence encore s’il avait su le rattacher à la conception générale de Balzac. La difficulté pour le romancier était la transcription de cette idée dans le langage de la chimie : et non seulement dans ce langage, mais dans les travaux des chimistes contemporains.

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Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, naturaliste français (1772-1844)

Cette transcription exigea toute une documentation qu’une thèse tout à fait remarquable d’une des meilleures spécialistes de Balzac, Mme Ambrière-Fargeaud, nous permet de reconstituer. Ces recherches ont montré qu’il fallait regarder comme très secondaires des influences qui étaient mentionnées autrefois, celle de l’Hermès dévoilé de Cyliani désignée par Sainte-Beuve ou le projet de Balzac sur Bernard Palissy indiqué sur son Album sous le titre Les Souffrances de l’inventeur. La rencontre de Balzac avec le mathématicien polonais Hoené Wronski, mentionnée dans une lettre à Mme Hanska du 1er août 1834, ne paraît par pouvoir être retenue comme décisive : Balzac ne semble s’être souvenu de Wronski qu’en raison d’un célèbre procès d’escroquerie qui avait eu lieu en 1818 à propos de la vente du secret de « l’absolu » à un naïf commanditaire. Au contraire, les recherches de Mme Ambrière-Fargeaud montrent bien l’itinéraire de la documentation de Balzac. « Deux membres de l’académie des Sciences m’ont appris la chimie, disait-il à Mme Hanska dans une lettre d’octobre 1834, pour laisser le livre vrai scientifiquement. Ils m’ont fait remanier mes épreuves jusqu’à dix à douze fois. » Ces deux précepteurs de Balzac furent deux de ses voisins, François Arago, directeur de l’Observatoire, qui se trouvait à quelques pas de la rue Cassini où habitait Balzac, et un collaborateur et ami de François Arago, Ernest Laugier, encore très jeune. François Arago était probablement entré en relation avec Balzac par l’intermédiaire de son frère Etienne Arago qui avait été un des collaborateurs de Balzac au temps où il écrivait L’Héritière de Birague. Les deux initiateurs de Balzac lui firent lire le traité de chimie que venait de publier un des maîtres de la chimie moderne, le suédois Jean-Jacques Berzelius. C’est de ce traité que proviennent certaines expériences de Balthazar Claës citées par Balzac.

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Jean-Jacques Berzélius                (1779-1848)   

Mme Ambrière-Fargeaud propose de joindre à ces deux noms celui du grand chimiste anglais Humphry Davy et celui de William Prout : les travaux de ces deux savants avaient pu être expliqués à Balzac par un ami de François Arago, Jean-Baptiste Dumas, contemporain de Balzac qui venait d’être élu à l’Académie des Sciences et qui fit connaître en France quelques-uns des travaux d’Humphry Davy. Ces constatations témoignent de la « conscience professionnelle » de Balzac : il s’est préparé avec sérieux à traiter une matière qui lui était étrangère. Il a su éviter les écueils qu’il risquait de rencontrer en rattachant les travaux de la chimie moderne à sa conception unitaire de la Création. Les critiques adressées par les contemporains à La Recherche de l’absolu ne concernent pas son exactitude scientifique : Balzac eut peu de juges en cette matière parmi les littérateurs de son temps. On lui reprocha plutôt une idéalisation des personnages. Un passage de l’Introduction de Félix Davin aux Etudes de mœurs au XIXème siècle fait allusion à ces réserves : « Des critiques ont trouvé quelque chose de trop idéal dans les quatre individualités de ce roman : les hautes qualités du génie sont trop prodiguées à Balthazar, et les dévouements de sa fille aînée ont paru trop magnifiques, trop continus. Existe-t-il ensuite des âmes aussi loyales, aussi candides que celle de l’amant de Marguerite, des bossues aussi séduisantes, aussi impériales que Mme Claës ? » Le porte-parole de Balzac répond faiblement à ces reproches, en se fondant sur la « mission » de l’écrivain « d’élever le beau jusqu’à l’idéal ». C’est un argument singulier pour la défense de Balzac. Raymond Abellio parle de « conte de fées » à propos de cette fin de La Recherche de l’absolu. La vérité doit se trouver quelque part entre ce rapprochement hardi et la retraite prudente sur l’idéalisme.

L’histoire Cette nouvelle décrit le combat et le désarroi d’une famille face à la passion destructrice et aux idées obsessionnelles du patriarche. La seule motivation du savant se place dans l’espoir de la découverte de l’Absolu, espoir toujours déçu mais toujours sur le point d’aboutir. Cet espoir accompagnera Balthazar Claes jusqu’au bout de ses forces sans lui apporter la gloire tant attendue. Issu d’une illustre famille flamande de Douai, Balthazar Claës, est un homme comblé par la vie. Jouissant de tous les privilèges qu’offre une fortune amassée par cinq ou six générations, il mène une existence de grand bourgeois. Savant et érudit, Balthazar a étudié à Paris la chimie aux côtés du célèbre professeur Lavoisier. On peut dire que Balthazar est un homme qui a réussi dans la vie : Epoux adoré, père comblé, tout lui souri jusqu’à ce jour de 1809 où Balthazar accepte de loger M. Adam de Wierzchownia, officier polonais. Arraché par la misère à l’étude de la chimie, ce soldat se trouve un ami en Balthazar. Dès lors, Adam confie à Claës, les expériences qu’il a menées pour tenter de décomposer les corps simples dans le but de découvrir le principe de la matière, l’origine de la vie. Réquisitionné pour une nouvelle campagne militaire, l’officier quitte Douai en ayant communiqué à Claës le démon de la recherche scientifique. L’esprit complètement accaparé par ses travaux, Balthazar ne vit plus que pour et par la recherche de l’absolu, substance selon lui, unique et indissociable de tous les corps se trouvant dans la nature. Cette idée devient très rapidement une idée fixe qui occupe tout l’espace de ses pensées – Vivant reclus dans son laboratoire avec pour seul aide, son fidèle valet Lemulquinier, il ne voit plus les siens, oublie de vivre en famille et s’oublie lui-même. Il dilapide rapidement le patrimoine familial. Ses besoins incessants de produits chimiques ruinent totalement la famille. Une fois le dernier sou dilapidé, il engage le mobilier (les œuvres d’art, tableaux et autres richesses accumulés au fil des générations). Il vendra jusqu’à ses valeurs immobilières déshéritant ainsi les siens. L’amour inconditionnel que lui portent son épouse et ses enfants n’éviteront pas le naufrage de la famille, au contraire ils contribuent, par leur soumission et abnégation, inconsciemment et instinctivement à la déchéance de la Maison Claës.

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    Pépita anéantie

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         Le fidèle                    Lemulquinier

Œuvre écrite et datée par l’auteur à Paris, juin-septembre 1834 Source analyse/histoire : Préface extraite du 24ème tome de La Comédie Humaine éditée chez France Loisirs en 1987, d’après le texte intégral publié sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac, 45, rue de l’Abbé-Grégoire – 75006 Paris.  

Les personnages Joséphine Claës : Née de Temninck, de son petit nom Pépita, épouse de Balthazar. Balthazar Claës : Noble de Douai passionné de chimie, époux de Joséphine et père de quatre enfants, dont deux garçons et deux filles. Marguerite Claës : Fille aînée des Claës, née en 1796. Félicie : 2ème fille de la famille Claës. Gabriel Claës : Fils de Joséphine et Balthazar. Jean-Balthazar Claës : Le dernier des enfants de la famille Claës. Lemulquinier : Valet de chambre dont la fidélité à Monsieur Claës est sans limite. Adam de Wierzchownia : Officier polonais, féru de chimie et ami de Claës. Abbé de Solis : Confesseur, ami et confident de Madame Claës. Claës-Molina de Nourho : Famille gantoise installée à Douai et représentée par Balthazar Claës, né en 1761, mort en 1832. Epouse Joséphine de Tenninck, née en 1770, morte en1816, d’où : 1) Marguerite qui épouse Emmanuel de Solis ; 2) Félicie qui épouse Pierquin ; 3) Gabriel qui épouse une Conynckx ; 4) Jean-Balthazar. Source généalogie des personnages : Félicien Marceau « Balzac et son monde » Gallimard.

Sources d’inspiration Plusieurs sources d’inspirations sont citées concernant le personnage de Balthazar Claës. A Nice, on mentionne Arson Pierre-Joseph, un banquier, qui voulut acheter le secret de l’absolu au mathématicien polonais Hoëne Wronski. Il dépensa plus de 100’000 francs sur 16 ans : 17 billets de 4’000 francs, 40’000 francs et une reconnaissance de dette de 108’516 francs. Peut-être 300’000 francs, selon un article du Figaro du 21 août 1831 sur le mode plaisant :  » Un jour un homme avait 300’000 francs et n’avait pas l’absolu, M. Hoëne n’avait pas 300’000 francs mais il avait l’absolu ». Arson furieux d’avoir été berné fit un procès à Wronski. Source notes et propos complémentaires : Encyclopédie universelle Wikipédia.  

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