Les Comédiens sans le savoir
LA COMEDIE HUMAINE – Honoré de Balzac XIIe volume des œuvres complètes de H. DE BALZAC par Veuve André HOUSSIAUX, éditeur, Hébert et Cie, Successeurs, 7, rue Perronet, 7 – Paris (1877)
Scènes de la vie parisienne
LES COMEDIENS SANS LE SAVOIR
Œuvre dédicacée, A MONSIEUR LE COMTE JULES DE CASTELLANE
Analyse de l’oeuvre Balzac avait placé l’ensemble d’esquisses intitulé Les Comédiens sans le savoir au tome XII et dernier de l’édition de La Comédie Humaine qui fut imprimé sous ses yeux. Dans ce tome, cet ensemble faisait suite à Un homme d’affaires et à Gaudissart II auxquels il se rattache par son inspiration. En réalité, Les Comédiens sans le savoir ne sont pas autre chose qu’un « montage » d’articles de Balzac analogues à ceux qu’il avait donnés au recueil de l’éditeur Curmer, Les français peints par eux-mêmes, qui comprenaient L’Epicier, le Notaire, la Femme de province qui ne furent pas rassemblés dans La Comédie humaine. Les Comédiens sans le savoir n’ont été promus au rang des œuvres de La Comédie humaine qu’en raison d’une de ces circonstances si fréquentes dans l’histoire de l’œuvre de Balzac : ce tome XII de La Comédie humaine manquait cruellement de copie et Balzac y enfourna cette série d’articles pour lui donner un nombre de pages suffisant. A l’origine, les croquis réunis sous ce titre étaient une « commande » de l’éditeur Hetzel pour un recueil intitulé Le Diable à Paris. Par un contrat du 17 août 1844, Balzac promettait à Hetzel cinq articles séparés dont les deux premiers étaient intitulés Les Comédies qu’on peut voir gratis à Paris et Tout ce qu’on peut voir en dix minutes sur le boulevard des Italiens. Ces deux titres définissent parfaitement Les Comédiens sans le savoir. Finalement, Hetzel reçut pour son Diable à Paris deux des portraits des Comédiens, Un espion à Paris : le petit père Fromenteau, bras droit des gardes du commerce et Une marchande à la toilette agrémentés de Gaudissart II et Un homme d’affaires qui sont devenus plus tard des nouvelles de Balzac publiées séparément. Hetzel autorisa, en outre, Balzac à donner au Siècle un troisième fragment, Le Luther des chapeaux. Balzac eut l’idée d’arranger cette matière première en présentant ces portraits comme les rencontres que fait un provincial auquel deux amis malicieux font découvrir les mystères de Paris. Cette invention ne lui demandait pas trop d’efforts. Depuis longtemps, en décrivant la « Maison du chat qui pelotte », en découvrant la pension Vauquer dans Le Père Goriot, en introduisant son lecteur à l’intérieur d’une étude d’avoué ou en le faisant assister au départ d’une diligence dans sa nouvelle Un début dans la vie, Balzac avait assumé le rôle de guide des « curiosités » auprès desquelles on passe chaque jour sans les apercevoir : déjà il « promenait » son lecteur. Son provincial et ses deux mentors lui permettent de placer des rencontres très brèves qui ne peuvent pas fournir la matière d’un article, rat de l’Opéra, une « marcheuse », une « basse-taille », la buvette de la Chambre des Députés, ou encore d’ajouter indéfiniment des originaux croisés par hasard sur le boulevard ou régnant dans leur boutique, Chodoreille l’écrivain méconnu, Dubourdieu le peintre penseur, Publicola Masson le pédicure révolutionnaire, Vauvinet l’usurier élégant. Ce « montage » est un exercice facile qui s’apparente surtout au journalisme. Mais c’est du journalisme balzacien : c’est-à-dire un journalisme qui déchiffre des signes dans les aspects, en apparence excentriques, du monde que nous avons sous les yeux et que nous ne savons pas lire. Le coiffeur qui s’avance avec la dignité d’un grand artiste, le chapelier qui rêve de promouvoir une révolution dans le chapeau, l’usurier élégant qui a des manières de petit maître, ne sont pas seulement des originaux. Ils annoncent le règne de la richesse, du clinquant, de la publicité, la boursouflure qui va faire du marchand un « commerçant », de l’usurier un courtier : ce ne sont pas des bonshommes, ce sont les pionniers d’un monde qui change. Ce monde intéresse Balzac parce qu’il change. Dans Gaudissart II, il décrivait très bien le mouvement qui poussait le commerce parisien vers les boulevards et les nouvelles méthodes qui accompagnaient cette annexion. Or, dans ce changement qui annonce l’avenir, nous retrouvons le Balzac archéologue de Paris qui découvrait dans la boutique de la « maison du chat qui pelote », une si vive et si parlante image du passé, d’un passé qui disparaissait. Montrer ce qui apparaît de l’avenir par des manières ou par des boutiques nouvelles, c’est la même enquête que celle qui consiste à retrouver les traces déjà désuètes du passé : c’est la véritable histoire des mœurs, celle qui lui donne un titre à être autre chose qu’anecdotique. Et c’est ce qui peut faire encore aujourd’hui, en même temps que sa verve et son ironie, l’intérêt des Comédiens sans le savoir. Ce provincial que Balzac promenait de découverte en découverte intéressa un éditeur, Gabriel Roux, qui avait repris les contrats de Balzac avec Chlendowski. Cet éditeur entrevit une spéculation. Le titre Le Provincial à Paris, était connu depuis le XVIIIème siècle : il avait, en outre, le mérite de faire penser aux croquis réunis par Jouy dans L’Hermite de la Chaussée d’Antin qui avaient eu un immense succès dans les dernières années de l’Empire. Balzac donna, en cette occasion, la mesure de son savoir-faire grâce à des blancs, des têtes de chapitres (Balzac réussit à inventer un découpage en trente chapitres), grâce aux belles pages et aux marges luxueuses, et avec le secours d’un copieux éloge de Balzac présenté « en avant-propos », il réussit à faire deux volumes in-8° sous le titre Le Provincial à Paris : en le faisant suivre toutefois de la réimpression de deux nouvelles anciennes. Cette prouesse typographique fut réalisée en 1848. Balzac avait été moins heureux avec le tome XII de La Comédie Humaine dont la présentation ne permettait pas de telles fantaisies. Les Comédiens sans le savoir ne se trouva pas assez long pour terminer le tome que l’éditeur de La Comédie Humaine dut se résoudre à compléter en commençant les Scènes de la vie politique.
L’histoire Les Comédiens sans le savoir est un roman d’Honoré de Balzac paru en pré-publication en 1846 dans le Courrier français, édité en volume la même année dans les Scènes de la vie parisienne de La Comédie humaine de l’édition Furne. Il sera édité de nouveau sous le titre Le Provincial à Paris en 1848 chez Roux et Castanet. Le roman présente une sorte de « revue de troupe ou répétition générale » de l’ensemble des types sociaux, silhouettes, et personnages de La Comédie humaine pris sur le vif, en action, dans le lieu géographique le plus récurrent : Paris. Sylvestre Palafox-Castel-Gazonal, dit Gazonal, « monte » à Paris pour régler un procès qui l’oppose au préfet de son département, les Pyrénées-Orientales, et qui a été transféré au Conseil-d’Etat. Les aventures du personnage principal sont prétextes à la présentation d’une galerie de portraits balzaciens qui vont de la « lorette » (le rat d’Opéra Ninette), au directeur de journal (Théodore Gaillard), du concierge Ravenouillet à la marchande à la toilette (Madame Nourrisson). En renouant avec son cousin Léon Didas y Nora, peintre facétieux connu sous le nom de Mistigris, élève du baron Hippolyte Schninner (le peintre fameux dans « La Bourse »), envoyé au château de Presles dans Un début dans la vie qui est devenu un célèbre paysagiste et homme à la mode, Gazonal découvre aussi le Paris des élégants au « Café de Paris ». Et grâce à l’aide de Mistigris et de ses amis (dont la séduisante Jenny Cadine), Gazonal gagne son procès. En arrière plan, on retrouve naturellement les personnages indispensables à l’univers de La Comédie humaine : Eugène de Rastignac, Joseph Bridau, le poète Melchior de Canalis, le peintre Dubourdieu, Carabine, les affairistes Cérizet et Fernand du Tillet, l’écuyère Malaga, le baron de Nucingen, Maxime de Trailles et d’autres. Comme si Balzac avait lui-même envie de se replonger dans son monde et d’en faire l’inventaire. Il s’agit là davantage d’une mise en scène (fort bien scénographiée) d’une compilation de saynètes et de portraits. Gazonal se présente un peu comme le témoin de La Comédie humaine, la vraie héroïne du roman étant Paris et la vie parisienne, tous quartiers confondus. « Il y a deux Paris : celui des salons, des atmosphères suaves, des tissus soyeux, des quartiers élégants, et celui plus infernal, des orgies, des ruelles sombres (Ferragus), des mansardes misérables. »
Les personnages Gazonal : Sylvestre-Palafox Gazonal, fabricant de dentelles, cousin de Léon de Lora. Ninette : Petit rat (danseuse). Théodore Gaillard : Directeur de journal, épouse Suzanne du Val-Noble. Ravenouillet : Concierge et usurier. Madame Nourrisson : Revendeuse à la toilette, usurière, entremetteuse, propriétaire d’une maison close rue Sainte-Barbe et d’une maison de passe pâté des Italiens. Léon Didas y Nora ou Léon de Lora: (1806) Famille espagnole établie dans le Roussillon. Hippolyte Schninner : (1790) Peintre anobli baron, époux d’Adélaïde de Rouville. Jenny Cadine : (1814) Actrice.
Source analyse : Préface tirée du tome XVII recueillie d’après le texte intégral des œuvres de la Comédie Humaine publié par France Loisirs 1985 sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac. Source thème: Encyclopédie universelle Wikipédia.
Source généalogie des personnages: Félicien Marceau, auteur de « Balzac et son monde » chez Gallimard.
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