Sarrasine
.LA COMEDIE HUMAINE – Honoré de Balzac Xe volume des œuvres complètes de H. DE BALZAC par Veuve André HOUSSIAUX, éditeur, Hébert et Cie, Successeurs, 7, rue Perronet, 7 – Paris (1877)
Scènes de la vie parisienne
SARRASINE
Œuvre d’Honoré de Balzac écrite à Paris en novembre 1838
Dédicacée par l’auteur A MONSIEUR CHARLES DE BERNARD DU GRAIL
Analyse de l’oeuvre Comme Facino Cane, Sarrasine est un conte qui a été écrit longtemps avant les grands romans des Scènes de la vie parisienne et qui est un spécimen d’une toute autre « manière » de Balzac. D’abord, ce conte est écrit en 1830 et paraît pour la première fois dans la Revue de Paris de cette même année. Il appartient donc à l’époque ou Balzac n’a pas encore organisé son œuvre et se présente surtout comme un spécialiste du conte, on disait même en ce temps-là un « contier ». Dans les contes de cette période, Balzac ne prétend nullement être le peintre d’une société tout entière, c’est une ambition qui ne lui viendra que plus tard : il n’y a donc pas de circulation des personnages d’une œuvre à l’autre comme dans les autres romans et nouvelles de La Comédie Humaine ; des corrections tardives ont fait disparaître cette particularité, mais Sarrasine comme Pierre Grassou et Facino Cane n’ont pas été compris dans cette « mise à jour ». Enfin, Sarrasine, conte à l’état pur, n’a jamais pu être classé définitivement par Balzac dans aucune des divisions de son œuvre : au cours des années suivantes, Sarrasine est traité comme un « bouche-trou » que Balzac attribue tantôt aux Etudes philosophiques, tantôt à une série des Etudes de mœurs au XIXe siècle. Il ne faut donc pas attribuer beaucoup d’importance à ce brillant exercice de style qui aurait pu être signé par n’importe quel auteur contemporain. Balzac, très fier de « l’audace » de son sujet, invitera plus tard son imprésario, Félix Davin, à rapprocher Sarrasine de La Fille aux yeux d’or au titre de peinture d’une passion anormale. C’est une présentation abusive. Sarrasine n’est pas une aventure d’homosexuel, mais l’histoire d’une supercherie. Il est étrange que certains commentateurs aient pu être victimes de la présentation publicitaire de Balzac et qu’ils se soient appliqués en conséquence à voir dans cette nouvelle des intentions que Balzac n’a jamais eues.
L’histoire Dans une soirée à Paris, le narrateur de la nouvelle est surpris par l’apparition d’un petit vieillard apparemment centenaire qu’on promène avec infiniment de précautions et de respect. On lui raconte l’histoire de cette marionnette fragile : c’est un célèbre castrat de Venise qui jouait dans les Etats du Pape les rôles féminins comme c’était alors la règle et qui était célèbre par sa voix et sa beauté. Le jeune sculpteur français Sarrasine, peu informé des usages italiens s’éprend au théâtre de la merveilleuse cantatrice que tout le public applaudit. Les camarades du castrat, s’apercevant de cette passion, s’amusent beaucoup de cette erreur et la font durer en organisant une soirée dans laquelle tous les assistants se font complices de ce malentendu. Malgré les réticences du castrat qui prend peur, Sarrasine ne comprend rien, s’enflamme de plus en plus et prépare l’enlèvement de la chanteuse. Un mot lui apprend la vérité. Il persiste dans son projet par rage, réalise l’enlèvement projeté, mais c’est pour faire au travesti une scène furieuse qui montre assez qu’il n’y avait rien d’anormal dans cette poursuite. Sarrasine est sur le point de tuer celui qui l’a trompé quand il est lui-même assassiné par les hommes de main d’un cardinal, protecteur de l’irrésistible vedette. Le centenaire qu’on promène au milieu des salons est le castrat devenu très vieux et très riche grâce aux générosités d’un certain nombre d’amateurs. Il est à l’origine de la grande fortune de la famille. Source analyse : Préface et histoire recueillies d’après le texte intégral des œuvres de la Comédie Humaine (tome XVI) publié par France Loisirs 1986 sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac.
Les personnages Madame de Rochefide : Béatrix-Maximilienne-Rose de Castéran de Rochefide, épouse d’Arthur de Rochefide . Comte de Lanty : Il a épousé la nièce du castrat Zambinella. De cette union naissent deux enfants Marianina et Filippo. Ernest-Jean Sarrasine : Sculpteur né en 1736, assassiné en 1758. Zambinella : Né en 1738, oncle des Lanty, il est castrat à Rome puis se retire à Paris.
Source : Félicien Marceau « Balzac et son monde », Gallimard.
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