Balzac La Comédie Humaine Analyse de texte Etude de l'œuvre 100 analyses de texte de la Comédie Humaine de Balzac Description détaillée des personnages Classement par 7 types de scènes 26 tomes étudiés en détail

La Maison Nucingen

LA COMEDIE HUMAINE – Honoré de Balzac XIe volume des œuvres complètes de H. DE BALZAC par Veuve André HOUSSIAUX, éditeur, Hébert et Cie, Successeurs, 7, rue Perronet, 7 – Paris (1877)

Scènes de la vie parisienne Picture 1  

LA MAISON NUCINGEN  

Nouvelle dédiée par Honoré de Balzac A MADAME ZULMA CARAUD N’est-ce pas vous, Madame, dont la haute et probe intelligence est comme un trésor pour vos amis, vous qui êtes à la fois pour moi tout un public et la plus indulgente des sœurs, à qui je dois dédier cette œuvre ? Daignez l’accepter comme témoignage d’une amitié dont je suis fier. Vous et quelques âmes, belles comme la vôtre, comprendront ma pensée en lisant La Maison Nucingen accolée à César Birotteau. Dans ce contraste n’y a-t-il pas tout un enseignement social ? De Balzac

Paru dans la Presse, en octobre et novembre 1837, ce roman fut édité en volume en 1838 chez Werdet. Il s’intègre aux Scènes de la vie parisienne. Initialement intitulé La Haute Banque, Balzac lui préférera le titre de La Maison Nucingen pour faire référence à la haute banque qui regroupait à cette période de l’histoire une poignée de banquiers qui avaient le monopole sur l’ensemble des places financières. Nucingen est un personnage qui sera utilisé à plusieurs reprises par Balzac dans ses romans. Le 19ème siècle représente une avancée formidable dans les techniques de la Science, des Arts, de la Photographie, des inventions technologiques de toutes sortes et de l’industrialisation en général. Le terreau engendré par cette fulgurante croissance industrielle et économique voit fleurir les premiers ténors de la spéculation financière de la Haute Banque dont Balzac nous fait une description fidèle du portrait du baron de Nucingen sous les traits d’un des plus grands escrocs « respectables » de nos temps modernes.

Analyse de l’oeuvre La Maison Nucingen, au contraire, nous place au centre même des Scènes de la vie parisienne et fait paraître bien romanesques et primitifs les moyens par lesquels les affidés des Treize assurent leur carrière, ou satisfont leurs fantaisies. Pourquoi monter à l’assaut de la puissance et de la fortune quand la puissance et la fortune, paisiblement apprivoisées, viennent docilement au-devant des habiles ? Le temps des coups de main est révolu, l’histoire de la société parisienne est devenue l’histoire des fortunes. On apprend dans La Maison Nucingen comment Rastignac, le petit étudiant pauvre du Père Goriot, a pu doter ses sœurs et offrir un évêché à son frère. Cette histoire est bien plus édifiante et bien plus vraie que les débuts pittoresques d’Henri de Marsay. Picture 2 La fin tragique du vieux Goriot a instruit tout le monde. La Maison Nucingen est la suite du Père Goriot. C’est ainsi que Balzac la présentait à Mme Hanska, en mars 1835 : « Vous me demandez ce que devient Mme de Nucingen. Elle sera, ainsi que son mari, le personnage le plus comiquement dramatique de Une vue du monde, si longtemps annoncée par la Revue de Paris. C’est La faillite de Monsieur de Nucingen. » Le projet annoncé ainsi ne fut réalisé qu’en 1837. Balzac, à cette date, venait de publier Les Employés, il avait commencé César Birotteau qui fut terminé à la fin de l’année : et il corrigeait les épreuves de La Maison  Nucingen à la fin d’octobre et au début de novembre. Ces trois œuvres appartiennent au même mouvement de la création. Elles mettent en scène un personnel nouveau, des commerçants, des banquiers, des coulissiers, des hommes de paille, en somme tout le vrai personnel des Scènes de la vie parisienne, des manieurs d’argent. L’histoire de Delphine de Nucingen n’est pas le roman d’amour que Mme Hanska attendait : c’est une situation que décrit Balzac – celle de Mme de Nucingen et de Rastignac, l’un et l’autre pris au piège d’une liaison qui va durer quinze ans. Rastignac a gagné le défi qu’il a porté à la société. Mais à quel prix ! Il est devenu l’esclave de Delphine. Il est son « cavalier servant », la distrait, l’accompagne : et cela ne le mène à rien. A trente-cinq ans, il n’est qu’un élégant parasite, il se plaint. Et, il est aussi l’esclave de Nucingen, qui se débarrasse sur lui de ses corvées conjugales et qui, à l’occasion, l’emploie à recruter des actionnaires. Il y a du raffinement dans ce dispositif : car Rastignac ne soupçonne pas son rôle de rabatteur. L’objectif de Nucingen est simple : il veut transformer les déposants de sa banque en actionnaires, c’est-à-dire transformer des louis d’or qu’on lui a confiés en rectangles de papier ornés d’inscriptions et de sa signature. Sa tactique est d’affoler ses déposants en faisant croire à une faillite. Le compérage inconscient de Rastignac consiste à propager cet affolement, et finalement à se dévouer en offrant de sauver l’essentiel par un achat d’actions antérieur au désastre. La faillite est réelle ou simulée : Nucingen feint le désespoir, mais étale sa probité en remboursant tous ses dépôts grâce aux actions qu’il a créées. Personne n’est contraint, tout le monde tend la gorge docilement : Rastignac a été admirable dans cette crise, il a consolé Delphine qui pleurait sa ruine, il a prévenu charitablement les gens chez lesquels il dînait. Il est d’ailleurs, lui aussi, porteur d’actions, il a des parts de fondateur qu’on lui a remises gratuitement. Tout le monde est content parce que les actions distribuent de gros dividendes qu’on prend sur le capital. Le plus comique est le dénouement : il se trouve que les actions minières de Nucingen donnent non seulement des dividendes fictifs, mais aussi du plomb et de l’étain. Elles deviennent une très bonne affaire. Il n’y a de ruinées que les familles qui n’ont pas eu confiance en Nucingen et qui ont acheté des rentes au lieu de garder les actions. C’est toute la banque, ou, du moins, l’enfance de la banque. Balzac a bien compris que ces transmutations étaient des vols dont la victime est volontaire pour être volée : en somme, un de ces « crimes cachés » qui échappent aux lois et qui sont, croit-il, à l’origine de la plupart des grandes fortunes. Il s’indigne et réclame des gouvernements autoritaires pour faire rendre gorge aux manipulateurs qui se sont enrichis ainsi. C’est qu’il n’est pas économiste. Un disciple d’Adam Smith lui aurait expliqué que Nucingen enrichissait tout le monde en combattant la thésaurisation. Gobseck est un partisan du bas de laine, il tripote avec délices ses thalers et ses ducats et ses marchandises pourrissent dans un coin. Tandis que Nucingen est un représentant du libéralisme et de l’économie du marché qui enrichit tout le monde, sauf les imbéciles qui font des économies, et quelques malchanceux qui opèrent à contre-temps. Cet exemple édifiant est exposé au cours d’un dîner, dans une de ces « conversations entre onze heures et minuit », dans lesquelles une étonnante mise en scène donne tout leur éclat à la verve et à la causticité de Balzac. La lanterne magique fait défiler de jolis spécimens de gens du monde, une bergère des Alpes, des filles à marier, un respectable niais, un « tigre » et une scène d’enterrement, impitoyablement décrits et jugés par des journalistes, des banquiers et des « faiseurs » qui professent un cynisme bien plus amusant que la férocité des « corsaires en gants jaunes » et néanmoins tout aussi efficace. Ce sont deux manières de Balzac qui sait prendre tous les costumes pour présenter ses tableaux vivants.

L’histoire Cette histoire est une analyse édifiante des méthodes et techniques boursières employées dans une période économique propice à l’appât du gain et aux fortunes rapidement acquises. Pour écrire sa nouvelle, tout nous porte à croire que Balzac s’est inspiré des faits de son époque, à savoir les deux banqueroutes consommées par le banquier Beer Léon Fould qui rebondira quelques années après pour figurer parmi les plus puissants magnats de la haute finance. Picture 3 C’est chez le célèbre restaurateur Véry, q’un couple surprend fortuitement la conversation indiscrète de quatre hommes. Il s’agit de l’ancien propriétaire des revues et journaux Andoche Finot, d’Emile Blondet, rédacteur de journaux , de Couture, spéculateur en tous genres et Jean-Jacques Bixiou, journaliste. Ils expliquent la fulgurante ascension de l’ancien amant de Delphine de Nucingen, Eugène de Rastignac, élevé aux côtés de son mari pour l’aider dans ses entreprises et qui n’est autre que le fameux banquier Nucingen. Ce haut financier n’a d’âme que pour l’argent qui représente la puissance et le pouvoir. Afin de brasser des fortunes colossales, il se lance dans des opérations risquées en faisant monter les prix de titres et en les rachetant quand elles sont au plus bas. Il va même jusqu’à utiliser, à leur insu, des hommes bien considérés dans la sphère parisienne, dont Rastignac fait partie, pour faire croire à sa ruine imminente et pour alimenter la psychose qui lui permet ensuite de spéculer à des taux faramineux. Nucingen fait la finance – il s’y entend parfaitement pour simuler débâcles et banqueroutes malhonnêtes. Pour y parvenir, il se sert de personnes peu scrupuleuses avides de s’enrichir rapidement dont le comte des Lupeaux et comme on l’a vu Rastignac. Il se retrouve rapidement à la tête de capitaux énormes et peut racheter à prix infime les actions qu’il avait d’abord fait surestimer, puis baisser. Nucingen, visionnaire opportuniste, aguerri des métiers de la finance, bâtira très jeune sa fortune sur les débâcles sociales et les escroqueries boursières. Il grossira encore son patrimoine financier et immobilier au travers de trois liquidations. Ses faillites frauduleuses, son flair des affaires et ses tours de passe-passe lui permettront de capitaliser des fortunes colossales. Utilisant des prête-noms pour mener à bien ses transactions véreuses, on y retrouve, outre Rastignac, cité plus haut, le comte des Lupeaux et bien d’autres comparses. Les principaux lésés sont bien sûr les petits porteurs, les commerçants, les bourgeois et nouveaux riches accouchés de l’industrialisation. Nucingen, ce loup-cervier de la finance ira même jusqu’à sacrifier l’un de ses pairs, le talentueux Du Tillet qui de commis parfumeur chez César Birotteau a fait une reconversion réussie dans la banque. Paris, novembre 1837

Les personnages  Baron Frédéric de Nucingen :  Banquier né vers 1763. Baronne Delphine de Nucingen : Delphine Goriot, née en 1792, épouse de Frédéric de Nucingen. Il naît de leur union, une fille Augusta qui épouse Eugène de Rastignac. Emile Blondet : Emile, né en 1800, journaliste puis préfet, issu de la liaison de sa mère avec le préfet d’Alençon. Malvina d’Aldrigger : Née en 1801, elle est la fille du baron Jean-Baptiste d’Aldrigger, banquier, né en 1764 et décédé en 1823 ; et de Théodora-Marguerite-Wilhelmine Adolphus. Isaure d’Aldrigger : Née en 1807, elle est la sœur de Malvina. Elle épouse Godefroid de Beaudenord. Godefroid de Beaudenord : Né en 1800, il épouse Isaure d’Aldrigger avec qui il aura quatre enfants. Ferdinand Du Tillet : né en 1793, Ferdinand est un enfant trouvé qui devient commis, banquier et député. Il épouse en 1831 Marie-Eugénie de Granville, née en 1814. Jean-Jacques Bixiou : Né en 1797, Jean-Jacques Bixiou, caricaturiste est le petit-fils de Bixiou, épicier et premier mari de Mme Descoings. Son père, colonel, meurt en 1813. Andoche Finot : Publiciste dont le père est chapelier dans César Birotteau. Eugène de Rastignac : Né en 1798, Eugène appartient du côté paternel à une famille noble de l’Angoumois représentée par un baron de Rastignac qui vit près d’Angoulême. La mère n’est pas connue. Il passe du statut d’étudiant à celui de ministre et de comte. Il épouse en 1838, Augusta de Nucingen. Augusta de Nucingen : Augusta est la fille de Delphine et Frédéric de Nucingen.  

Source analyse/histoire : Préface (tome XII) recueillie d’après le texte intégral des œuvres de la Comédie Humaine publié par France Loisirs 1986 sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac. Source généalogie des personnages: Félicien Marceau « Balzac et son monde » Gallimard.  

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