Le curé de Tours
LA COMEDIE HUMAINE – Honoré de Balzac VIe volume des œuvres complètes de H. DE BALZAC par Veuve André HOUSSIAUX, éditeur, Hébert et Cie, Successeurs, 7, rue Perronet, 7 – Paris (1877)
Scènes de la vie de province
LE CURE DE TOURS – (étude de célibataires)
Œuvre dédiée A DAVID, STATUAIRE. La durée de l’œuvre sur laquelle j’inscris votre nom, deux fois illustre dans ce siècle, est très problématique ; tandis que vous gravez le mien sur le bronze qui survit aux nations, ne fût-il frappé que par le vulgaire marteau du monnayeur. Les numismates ne seront-ils pas embarrassés de tant de têtes couronnées dans votre atelier, quand ils retrouveront parmi les cendres de Paris ces existences par vous perpétuées au-delà de la vie des peuples, et dans lesquelles ils voudront voir des dynasties ? A vous donc ce divin privilège, à moi la reconnaissance. De Balzac.
Analyse de l’oeuvre Balzac a eu l’idée de cette nouvelle en 1832 et lorsqu’il la publie la première fois, c’est dans un des tomes des Scènes de la vie privée publié la même année et dans lequel Le Curé de Tours est présenté sous le titre Les Célibataires. C’est seulement un an plus tard que Le Curé de Tours fut classé parmi Les Scènes de la vie de province : tout simplement parce que Balzac avait besoin de copie pour compléter l’un des tomes de cette série. Il ne faut pas toujours se fier aveuglément aux classements de Balzac. C’est un professionnel. Il est essentiel pour lui d’honorer les contrats qu’il a signés – c’est-à-dire de fournir aux dates fixées les œuvres qu’il a promises et qui sont rarement prêtes à la date à laquelle elles devaient être livrées. On le verra soudain procéder ainsi à des substitutions destinées à boucher les trous. Ce qui l’a intéressé dans Le Curé de Tours c’est une certaine qualité de la vie privée qui décrit et même qui modèle certains caractères. Comme le titre primitif l’indiquait, c’est une étude sur des célibataires. Le célibat lorsqu’il est lié à certaines conditions de vie, l’état ecclésiastique, par exemple, ou au statut social de la vieille fille, devient selon Balzac, une vie solitaire qui prédispose à l’égoïsme, qui s’organise souvent autour d’habitudes, qui favorise le développement des manies ou, au contraire, amplifie les aspérités du caractère et qui produit ainsi, selon les cas, d’inoffensifs automates ou de redoutables insectes humains. Il a ainsi un panel de célibataires, spécimens qu’il collectionne et épingle avec tant d’intérêt qu’il utilisera finalement ce titre primitif Les Célibataires pour en faire une subdivision des Scènes de la vie de province, dans laquelle il présentera ses principaux échantillons. Ce sont des existences qu’il regarde à la loupe. Les personnages du Curé de Tours sont des individus qui vivent en dehors du monde et de la société des autres hommes. Ils concentrent leur intérêt sur de petites choses qui sont les événements de leur univers. Ces petits riens sont liés profondément au seul horizon qu’ils puissent percevoir. Ils prennent pour eux une importance capitale par les espoirs qu’ils entretiennent ou par leur déception si ces espoirs sont anéantis. Toute vie privée est un territoire de l’imaginaire dans lequel ont germé des convoitises et des illusions qui n’ont de sens que pour les intérêts prisés.
Préface recueillie selon tome VIII, d’après le texte intégral des œuvres de la Comédie Humaine publié par France Loisirs 1985 sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac.
L’Histoire L’abbé Birotteau, personne faible et naïve – ne sachant pas prévoir et dominer les événements, hérite de l’appartement de son confrère et ami l’abbé Chapeloud, de ses bons meubles et de la vie douillette que celui-ci s’était arrangée. Son rêve est de devenir chanoine. Sa logeuse, la vieille demoiselle Sophie Gamard nourrit un rêve elle aussi : elle voudrait recevoir après le dîner et organiser des parties de whist. Ce sera l’origine du drame. Tout est mesquin, petit ; l’objet de ces ambitions, les péripéties, les petites manœuvres, les êtres eux-mêmes. Le dénouement est une vie brisée. Le bonheur qui a ébloui le bon abbé Birroteau comprenait des meubles commodes, dont une magnifique bibliothèque, aubes, surplis, rabats bien repassés, du linge « sentant l’iris », ses chaussons bien rangés…tous ces petits riens qui font que l’on se sent choyé. Les signes auxquels il reconnait une haine naissante, de la part de Mlle Gamard, sa logeuse, sont un bougeoir vide, un feu éteint, l’oubli de ses pantoufles, son attente sous la pluie. Ses fautes aussi sont petites ; il s’est ennuyé à la partie de whist et préfère celles données chez Madame la comtesse de Listomère. Il n’a pas su deviner les blessures d’un amour propre pointilleux. Mais aussi sa vie entière n’est que le lieu de confidences infimes et de préoccupations d’enfants : il confesse les pensionnats. Balzac veut ainsi nous démontrer la petitesse de certains esprits qui seuls fonctionnent sur la base de leurs désirs et passions. Par exemple, toute l’ambition de l’abbé Birroteau se concentre sur le souhait de bénéficier un jour de l’appartement et des commodités de l’abbé Chapeloud et du probable canonicat. Mademoiselle Gamard ne songe qu’à venger ses parties de whist et le maigre intérêt que lui dispense l’abbé Birroteau alors que l’abbé Chapeloud lui prodiguait savamment les flatteries et les chatteries nécessaires à son égo. Il y a identification complète entre une discorde aussi minime soit-elle et un être vivant : le drame peut commencer. La machination élaborée entre Mademoiselle Gamard et l’abbé Troubert seront la cause de la destruction de l’existence du bon abbé. Mlle Gamard trouvera un allié dans la personnalité sournoise, mielleuse, hypocrite de l’abbé Troubert. En effet, l’abbé Troubert qui nourrit une jalousie secrète envers son rival, trouvera dans la haine de Mlle Gamard envers son locataire, le terreau dans lequel poussera le complot qui privera Birroteau de ses jouissances : son appartement, sa bibliothèque, son canonicat…enfin, tout ce qui constitue la vie de Birroteau pour l’amener à la déchéance la plus complète. Birroteau se verra dépossédé de tout. Il sera rétrogradé au rang de curé de village et muté à Saint-Symphorien (faubourg de Tours) où il finira ses jours dans la misère. Saint-Firmin, avril 1832 L’action se situe en 1826 et lors des événements de cette histoire, Villèle est encore au pouvoir et son gouvernement n’est pas menacé, l’opposition libérale est encore en sommeil et la province pas encore alimentée par les haines politiques. Le Curé de Tours est un roman placide. L’histoire se déroule dans un endroit clos, silencieux. Ce sont les appartements des religieux, dépendances du cloître qui entoure la cathédrale située au centre de la ville de Tours. C’est un drame de la vie privée dont l’action se passe en province.
Les personnages L’abbé Birotteau : Vicaire de la cathédrale de Saint-Gatien. Petit homme court de constitution apoplectique, goutteux de soixante ans dans l’attente de la place de chanoine au Chapitre métropolitain de Saint-Gatien. Le vieil abbé est une personne franche et maladroite. Sa personnalité le dessert auprès de Sophie Gamard. Birroteau fait partie de ces personnes qui sont prédestinées à tout souffrir, parce que bonnes et droites, elles ne savent rien voir et ne peuvent rien éviter – tout leur arrive. L’abbé Chapeloud : Feu chanoine de la cathédrale de Saint-Gatien, confrère et ami de Birroteau. Chapeloud lèguera à Birroteau ses meubles dont une magnifique bibliothèque, ses tableaux et sa succession. L’abbé Chapeloud est un égoïste adroit et spirituel ; il sait plaire à Mlle Gamard. Il a compris que pour bien vivre avec le caractère aigri et cynique de sa logeuse, il ne devait s’établir entre elle et lui que les points de contacts strictement ordonnés par la politesse et ceux qui existent entre des personnes vivant sous le même toit. L’abbé Poirel : le bénéficiaire à la place de chanoine et ce au détriment de l’abbé Birroteau. Sophie Gamard : Vieille fille de 38 ans amère, ayant une haute estime de sa personne. C’est une femme orgueilleuse, égoïste, envieuse et vaniteuse. Heureuse de vivre par un sentiment aussi fertile en émotions que l’est celui de la vengeance, la vieille fille se plait à harceler le vicaire. S’agissant, au départ, d’une simple prise de grippe, elle développera une haine sans borne à l’encontre de Birroteau. Elle s’emploiera à le détruire en s’accaparant de ses biens (légués par Chapeloud) par le biais d’un contrat de bail établi au moment de l’aménagement du bonhomme. Bien qu’ayant ruiné le bonhomme, elle mourra par le poison du ressentiment et par le parfum de scandale qu’elle aura répandu dans la société de Tours. Marianne : Servante de Mlle Gamard. Elle agit de complicité avec sa maîtresse pour faire de Birroteau un souffre-douleur. L’abbé Troubert : Chanoine à la cathédrale de Saint-Gatien. Personnage envieux et ambitieux. Il nourrit une haine secrète pour Birroteau, qui non seulement a hérité de son ami Chapeloup mais occupe l’appartement qui selon lui devait lui revenir de droit. Homme profondément mauvais, il fera mine de s’intéresser aux misères de Birroteau en cherchant à le confondre par tous les moyens. Sa haine personnelle s’alliera donc à celle de Sophie pour mener le bonhomme à sa perte. Elle effectuera le transfert de Troubert dans les appartements de Birroteau. A la mort de celle-ci, Troubert héritera des meubles de Birroteau volés par captation. La comtesse de Listomère : Figure importante de la haute noblesse de Tours et amie de l’abbé Birroteau. Avec son neveu, Monsieur de Listomère, lieutenant de vaisseau, elle s’emploiera à aider le prêtre et se mettra le clergé à dos. La polémique nourrie, d’une part, par les différents partis politiques de la ville et, d’autre part, par les hautes institutions ecclésiastiques nuiront aux intérêts de la famille de Listomère qui abandonnera finalement leur ami. Mademoiselle Salomon de Villenoix : Amie de Birroteau qui reçoit la société la plus aristocratique de Tours. Mlle Salomon ne se rend à la soirée hebdomadaire de Sophie que par pure amitié pour son ami Birroteau car ces soirées sans esprit l’ennuient. M. de Bourbonne : Ami de la comtesse de Listomère. Il l’informera des risques que sa famille encoure à recueillir l’abbé Birroteau.
Sources :
1) analyse/histoire selon préface recueillie selon tome VIII, d’après le texte intégral des œuvres de la Comédie Humaine publié par France Loisirs 1985 sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac – Notes complémentaires : Encyclopédie universelle Wikipédia.
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