La Muse du département
LA COMEDIE HUMAINE – Honoré de Balzac VIe volume des œuvres complètes de H. DE BALZAC par Veuve André HOUSSIAUX, éditeur, Hébert et Cie, Successeurs, 7, rue Perronet, 7 – Paris (1877)
Scènes de la vie de province
LA MUSE DU DEPARTEMENT
Dédicacé à Monsieur le comte Ferdinand de Gramont Mon cher Ferdinand, si les hasards (habent sua fata libelli) du monde littéraire font de ces lignes un long souvenir, ce sera certainement peu de chose en comparaison des peines que vous vous êtes données vous le d’Hozier, le Chérin, le Roi d’Armes DES ETUDES DE MŒURS ; vous à qui les Navarreins, les Cadignan, Les Langeais, les Blamont-Chauvry, les Chaulieu, les d’Arthez, les d’Esgrignon, les Mortsauf, les Valois, les cent maisons nobles qui constituent l’aristocratie de la Comédie Humaine doivent leurs belles devises et leurs armoiries si spirituelles. Aussi L’ARMORIAL DES ETUDES DE MŒURS INVENTE PAR FERDINAND DE GRAMONT, GENTILHOMME, est-il une histoire complète du blason français, où vous n’avez rien oublié, pas même les armes de l’Empire, et que je conserverai comme un monument de patience bénédictine et d’amitié. Quelle connaissance du vieux langage féodal dans le : Pulchrè sedens, meliùs agens ! des Beauséant ? dans le :Des partem Leonis ! des d’Espard ? dans le : Ne se vend ! des Vandenesse ? Enfin, quelle coquetterie dans les mille détails de cette savante iconographie qui montrera jusqu’où la fidélité sera poussée dans mon entreprise, à laquelle vous, poète, vous aurez aidé. Votre vieil ami De Balzac.
Préambule La Muse du département est un roman dont l’écriture a peut-être été commencée en 1832, sans doute revue en 1837, le texte étant finalement publié chez Werdet cette année-là dans les Scènes de la vie de province dans l’ensemble des Parisiens en province. Puis en 1843, il est publié chez l’éditeur Souverain, toujours dans le même classement. Entre-temps, le roman a subi de nombreux remaniements et changements de classement au point qu’on se perd dans les ramifications de son historique.
Analyse de l’oeuvre George Sand est nommément évoquée dans ce portrait de Femme auteur dont elle reprend le titre avec humour dans Histoire de ma vie, lorsqu’il s’agit d’évoquer son ami Balzac. Sans ironie, elle se présente elle-même comme une sorte de muse de département. Balzac a déjà expliqué (ou précisera plus tard dans Autre étude de femme) ce qu’il entend par femme de talent. A savoir : une femme-comme-il-faut, tandis que l’héroïne de La Muse du département est : une femme-comme-il-n’en-faut-pas, c’est-à-dire sans talent, et grisée par des rêves inaccessibles. Un bas-bleu qui se croit obligée de vivre l’amour-passion parce qu’elle a écrit des poèmes sur le sujet. » La Muse du département nous présente toute une société. Ce texte peut, par là, être comparé aux chefs- d’oeuvre que sont Splendeurs et misères des courtisanes et Illusions perdues. Ce court roman crée un pont entre les diverses sections de La Comédie Humaine : les Scènes de la vie privée (c’est une Etude de femme), les Scènes de la vie parisienne et les Scènes de la vie de province. » La Muse du département est un autre roman du genre « les parisiens en province ». Edité en premier lieu sous le titre Dinah Piedefer, nom de l’héroïne du roman, c’est d’abord une œuvre remarquable par la rapidité de sa rédaction. Balzac écrit la nouvelle en un mois, au début de l’année 1843. Balzac est alors accablé de dettes, en retard sur ses engagements. « Il faut le faire en quinze jours », écrit-il en annonçant son nouveau roman le 2 mars, et il se plaint que sa tête soit fatiguée, vide. La publication en feuilleton commence le 20 mars pour se terminer le 29 avril. Voyons comment Balzac s’y est pris pour réaliser ce miracle. Le roman se compose en deux parties : la première se passe à Sancerre, dans le Berry. Le personnage principal en est Madame de la Baudraye, provinciale, intelligente, courageuse mais qui s’ennuie dans sa vie. Ses journées sont vides et marquées par l’avarice et l’indifférence d’un vieux mari cupide et désabusé. Les soirées où elle fait salon ne sont peuplées que de personnes à l’esprit étroit et profondément bigotes. Seul un petit cercle d’intimes partage la finesse d’esprit de Dinah. Les conséquences de l’arrivée des parisiens, Etienne Lousteau, journaliste et Horace Bianchon, médecin (tous deux originaires du Berry) amèneront la matière nécessaire à l’écrivain pour la suite du roman. La première partie est rapidement « ficelée » grâce aux instruments du romancier : des ciseaux et un pot de colle. Il explore ses archives et y trouve des contes, déjà publiés, donc déjà payés. Ces contes écrits 12 ans plus tôt en collaboration à un recueil collectif intitulé Les contes bruns signé, par « une tête à l’envers », représentée sur la couverture. Il y avait dans ce recueil trois contes de Balzac : L’ histoire du chevalier de Beauvoir, La grande Bretèche et Le grand d’Espagne qui étaient présentés ensemble avec des réflexions, des interruptions décrivant la liberté d’expression d’une soirée entre amis, le tout intitulé Une conversation entre onze heures et minuit. Une deuxième utilisation de ces mêmes contes avait eu lieu un peu plus tard en 1832 sous la forme d’une nouvelle intitulée Le conseil qui ne figure pas dans les œuvres de Balzac en raison du dépeçage que Balzac lui fit subir. Apparaissaient dans cette seconde présentation deux conteurs machiavéliques qui formaient le dessein d’épouvanter un amoureux et la jeune femme qu’il convoitait en leur montrant le dénouement tragique de trois histoires d’adultère.
L’Histoire Afin d’étendre sa renommée locale, et asseoir sa réputation d’écrivain de province, la poétesse Dinah de la Baudraye, épouse du comte et pair de France Jean-Anastase-Polydore de la Baudraye convie Horace Bianchon, médecin à Sancerre et le journaliste parisien Etienne Lousteau. Durant le temps de leur séjour, le bel Etienne, séducteur sans foi ni loi, noue une liaison avec la belle Dinah. Eperdument amoureuse, cette dernière le suit à Paris où elle espère faire connaître et apprécier ses talents d’auteur. Malheureusement, ni le bonheur, ni la notoriété ne sont au rendez-vous et deux grossesses mettent fin à la belle histoire d’amour. Le volage Etienne se soustrait à ses obligations et délaisse Dinah qui se retrouve dans le plus grand dénuement. Malgré cette existence gâchée, Madame de la Baudraye, aura néanmoins le bonheur d’obtenir l’indulgence d’un mari toujours aimant et le soutien de son vieil ami Clagny. La raison l’emportera. Elle quittera Paris pour un retour au domicile de Sancerre où elle élèvera ses trois enfants (un de son union avec M. de la Baudraye et deux issus de sa liaison avec Etienne Lousteau).
Source analyse :
1) Préface et histoire recueillies d’après le texte intégral des œuvres de la Comédie Humaine (tome IX) publié par France Loisirs 1985 sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac –
2) Encyclopédie universelle Wikipédia.
Les personnages Dinah de la Baudraye : Née Piedefer en 1807, issue d’une famille protestante de Bourges en 1807, elle est l’épouse de Jean-Anastase-Polydore de la Baudraye de qui elle aura un fils nommé Polydore. Elle aura un autre fils et une fille nés de sa liaison avec Etienne Lousteau. Jean-Anastase-Polydore de la Baudraye : (1780) Comte et pair de France, époux de Dinah Piedefer et père de Polydore. Horace Bianchon : Né vers 1796, médecin. Etienne Lousteau : (1799) Fils du subdélégué d’Issoudun mort en 1800. Etienne, journaliste est le père des deux derniers enfants de Madame de la Baudraye.
Source généalogie des personnages : Félicien Marceau « Balzac et son monde » Gallimard
L’hommage à George Sand et à Stendhal La Muse du département est la version littéraire d’une Madame Bovary qui se piquerait d’écriture et qui tenterait de singer, comme le singe qu’elle est, George Sand, modèle auquel elle veut se conformer. Balzac, si compréhensif pour les femmes, se montre ici très dur envers celle qui croit avoir du talent, mais qui mélange littérature et adultère. Sans doute parce que son admiration et son amitié pour George Sand ne souffrent pas les copies approximatives, qui, à l’époque, abondaient. Outre l’hommage à George Sand, Balzac confirme son admiration pour un autre auteur qui venait de mourir : Stendhal, dont il avait été le premier à reconnaître la valeur et qu’il évoque sous forme de fragments de critiques littéraires. Peu d’auteurs ont ainsi rendu, de leur vivant, des hommages aussi appuyés et sincères que Balzac l’a fait, aussi bien dans ses journaux que dans ses livres, aux auteurs qu’il admirait sincèrement. C’est encore une des caractéristiques de l’homme spontané et sans calcul qu’était l’auteur de La Comédie Humaine. Même si son cerveau était tapissé de chiffres comme le déplorait Baudelaire, son coeur ne l’était assurément pas.
Source préambule et hommages : Encyclopédie universelle Wikipédia
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