Un Episode sous la Terreur
LA COMEDIE HUMAINE – Honoré de Balzac XIIe volume des œuvres complètes de H. DE BALZAC par Veuve André HOUSSIAUX, éditeur, Hébert et Cie, Successeurs, 7, rue Perronet, 7 – Paris (1877)
Scènes de la vie politique UN EPISODE SOUS LA TERREUR
ŒUVRE DEDICACEE A MONSIEUR GUYONNET-MERVILLE Ne faut-il pas, cher et ancien patron, expliquer aux gens curieux de tout connaître, où j’ai pu apprendre assez de procédure pour conduire les affaires de mon petit monde, et consacrer ici la mémoire de l’homme aimable et spirituel qui disait à Scribe, autre clerc-amateur, « Passez-donc à l’Etude, je vous assure qu’il y a de l’ouvrage » en le rencontrant au bal ; mais avez-vous besoin de ce témoignage public pour être certain de l’affection de l’auteur ?
Un épisode sous la Terreur est une nouvelle d’Honoré de Balzac, parue en 1842 dans Le Livre des Salons, sous le titre Une messe en 1793. En 1845, le texte prend son titre définitif aux éditions Chlendowski. Dans l’édition Furne de 1846 de La Comédie humaine elle figure dans les Scènes de la vie politique avec une dédicace à Monsieur Guyonnet-Merville, avoué chez lequel Balzac avait fait son apprentissage de droit.
Analyse de l’oeuvre Un épisode sous la Terreur fait partie d’une autre série de La Comédie humaine, les Scènes de la vie politique. Avec Les scènes de la vie politique commencent les divisions de La Comédie humaine que Balzac n’eut pas le temps de remplir selon son plan d’ensemble. La Comédie humaine, en effet, est partagée en deux sections de caractère différent : L’ensemble des Etudes de mœurs au XIXe siècle et l’ensemble des Etudes philosophiques. Tous les romans et nouvelles que nous avons publiés jusqu’à maintenant dans la présente édition appartiennent aux Etudes de mœurs au XIXe siècle. Celles-ci étaient divisées en six séries qui auraient dû être d’importance égale, Les Scènes de la vie privée, les Scènes de la vie de province, et les Scènes de la vie parisienne, puis les Scènes de la vie politique, les Scènes de la vie militaire et les Scènes de la vie de campagne. Les trois premières de ces séries de Scènes occupent chacune quatre volumes in 8° de la première édition de La Comédie humaine publiée sous la surveillance de Balzac en 1842. Les trois dernières, au contraire, ont été annoncées, elles ont été commencées, mais elles n’ont jamais été achevées. Les Scènes de la vie politique sont la première d’entre elles. Voici comment Balzac faisait présenter cette série dans l’Introduction aux études de mœurs au XIXe siècle qu’il fit publier en 1835 sous la signature de son ami Félix Davin : « Aux Scènes de la vie parisienne finissent les peintures de la vie individuelle. Déjà, dans ces trois galeries de tableaux, chacun s’est revu jeune, homme et vieillard. La vie a fleuri, l’âme s’est épanouie, comme a dit l’auteur, sous la puissance solaire de l’amour, puis les calculs sont venus, l’amour est devenu de la passion, la force a conduit à l’abus, enfin l’accumulation des intérêts et la continuelle satisfaction des sens, le blasement de l’âme et d’implacables nécessités en présence ont produit les extrêmes de la vie parisienne. Tout est dit sur l’homme en tant qu’homme. Les Scènes de la vie politique exprimeront des pensées plus vastes. Les gens mis en scène y représenteront les intérêts des masses, ils se placeront au-dessus des lois auxquelles étaient asservis les personnages des trois séries précédentes qui les combattaient avec plus ou moins de succès. Cette fois, ce ne sera plus le jeu d’un intérêt privé que l’auteur nous peindra, mais l’effroyable mouvement de la machine sociale, et les contrastes produits par les intérêts particuliers qui se mêlent à l’intérêt général. Jusque là, l’auteur a montré les sentiments et la pensée en opposition constante avec la société, mais, dans les Scènes de la vie politique, il montrera la pensée devant une force organisatrice et le sentiment complètement aboli. Là donc, les situations offriront un comique et un tragique grandioses. Les personnages ont derrière eux un peuple et une monarchie en présence ; ils symbolisent en eux, le passé, l’avenir ou ses transitions et luttent non plus avec des individus, mais avec des affections personnifiées, avec les résistances du moment représentées par des hommes. » Ce magnifique programme qui éveille tant de résonnances chez un lecteur de notre temps, Balzac n’a pas eu le temps de le réaliser. Il ne reste de ce lotissement si grandiose que deux romans dont l’un est inachevé, Une ténébreuse affaire et Le Député d’Arcis et deux nouvelles assez courtes : Un épisode sous la Terreur et Z. Marcas. Un épisode sous la Terreur ne répond pas à la définition que Balzac faisait donner en 1835 des Scènes de la vie politique. Ce n’est même pas une nouvelle qui était destinée à prendre place parmi les grandes divisions de La Comédie humaine : c’est une œuvre de circonstance, écrite sur commande, que Balzac a jointe à La Comédie humaine, mais qui appartient par sa date et son inspiration à un tout autre étage de la vie de Balzac, aux années pendant lesquelles il était encore un écrivain obscur et besogneux. Ce petit récit a été écrit par Balzac en 1829, à peu près en même temps que Les Chouans qui fut le premier roman signé de son nom. Il raconte un « épisode » étrange de la vie de Charles-Henri Sanson, exécuteur des hautes oeuvres pendant les années de la Révolution, celui-là même qui eut à mettre à mort le roi Louis XVI. Lors de sa publication, il parut sans signature, sous forme d’Introduction aux Mémoires pour service à l’histoire de la Révolution française, par Sanson, exécuteur des arrêts criminels pendant la Révolution. Ces Mémoires de Sanson, publiés en deux volumes en 1829, avaient été rédigés par un trio de compilateurs comprenant Marco Saint-Hilaire, Louis-François Lhéritier qui se faisait appeler Lhéritier de l’Ain et Balzac qui n’avait écrit jusqu’alors que sous divers pseudonymes. Sanson qui avait donné l’autorisation écrite d’utiliser son nom, reçut plusieurs fois Marc Saint-Hilaire auquel il aurait remis un dossier, puis Balzac. L’épisode rapporté dans ce récit est probablement imaginaire sous la forme que lui a donnée Balzac, mais il n’est pas impossible qu’il se rapporte à un fait vrai que Balzac aurait recueilli de Sanson lui-même. La démarche de Sanson n’aurait rien d’invraisemblable puisqu’il fut accusé de royalisme par plusieurs journalistes de l’époque et notamment par Camille Desmoulins et qu’il dut s’en défendre en leur intendant un procès. Le récit de Balzac, qu’il a bien eu raison de recueillir, est une jolie nouvelle, habilement menée, énigmatique, touchante par son sujet, mystérieuse par son atmosphère étrange, la brume, la neige, le danger, un quartier isolé aux portes de Paris, en ce temps-là presque « la zone », pendant ce terrible hiver de 1793 si dramatique pour ceux qui étaient pourchassés. Un inconnu, dont on découvre à la fin l’identité, vient faire dire une messe dans le plus grand secret pour l’âme du roi Louis XVI par un prêtre réfractaire qui se cache pour sauver sa vie.
L’Histoire Dans une sombre ruelle (comme on les trouve souvent dans La Comédie humaine : Ferragus, les Proscrits, l’Envers de l’histoire contemporaine), un homme suit une vieille femme qui se révèle être une religieuse (sœur Marthe) allant chercher des hosties dans une pâtisserie. Hosties qu’elle doit apporter à l’abbé Marolles pour célébrer la messe. L’homme (on ne l’apprend qu’à la fin) est en réalité le bourreau Charles-Henri Sanson qui a coupé la tête de Louis XVI. Homme pieux malgré sa « fonction », Sanson ne demande rien d’autre qu’une messe pour l’âme du défunt roi. Balzac ne s’appuie sur ce qui aurait pu exister car en effet, les Sansons, bourreaux de père en fils, étaient très pieux. Balzac avait rencontré le fils de Charles-Henri Sanson : Henri-Nicolas-Charles Sanson et peut-être les récits du fils avaient-ils éclairé l’auteur de La Comédie humaine sur un aspect humain de leur fonction horrible. La nouvelle entretient un suspense admirable.
Généalogie des personnages Abbé Marolles : Ecclésiastique sous lequel se cache le bourreau de Louis XVI. Sœur Marthe : Religieuse, née Beauséant. Sœur Agathe : Religieuse, née Langeais. Monsieur Ragon : Parfumeur, né en 1748. Madame Ragon : Popinot de son nom de jeune fille, elle est la sœur du magistrat Popinot et la tante d’Anselme.
1) Source analyse : Préface, tirée du tome XVIII, recueillie d’après le texte intégral des œuvres de la Comédie Humaine publié par France Loisirs 1985 sous la caution de la Société des Amis d’Honoré de Balzac.
2) Source : Notes complémentaires et thème de l’histoire: Encyclopédie universelle Wikipédia.
3) Source : généalogie des personnages : Félicien Marceau « Balzac et son monde » Gallimard.
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